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Marguerite Pilven

Marguerite Pilven

Critique d'Art, Commissaire d'exposition

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  • Marguerite Pilven

    Marguerite Pilven

    Critique d'Art, Commissaire d'exposition

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    Arman, No Comment

    Il y a 12 ans

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    Arman,  No Comment
    Hommage à Arman : des premières empreintes d’objets trempés dans l’encre à leur accumulation ou leur destruction par le feu, l’exposition de ses œuvres, galerie Vallois, est l’occasion de redécouvrir la « grammaire objectuelle » de l’artiste.

    Frapper le papier à coups de tampons, fouetter la toile avec des objets enduits de peinture, l’énergie physique est à l’oeuvre dès les premiers travaux d’Arman. Ces peintures sans pinceau, intitulées Cachet et Allure d’objet, privilégient l’appropriation directe des objets et rapprochent le peintre des enjeux plastiques du Nouveau Réalisme, dont il signe le manifeste en 1960.

    Par la suite, Arman introduit directement l’objet dans ses œuvres. En les enfermant dans des boîtes, il suspend ces objets de leur fonction ustensilaire pour leur donner une visibilité extra-ordinaire. Leur statut est très différent de celui qui prévaut à la même époque dans l’art conceptuel, en raison de son caractère évident de poésie. En intitulant Cyclofiat une accumulation de phares de vélo dans une boîte, Arman confère à l’objet une possibilité de transformation et de polysémie. Son appropriation n’est plus seulement objectale mais imaginaire.

    Omniprésent depuis l’après-guerre, l’objet de série instaure le règne du jetable. Avec ses Poubelles, Arman prend acte de ce phénomène de consommation accélérée des objets. D’un point de vue sculptural, cette thématique permet à l’artiste de travailler sur la notion d’espace considéré comme contenant.
    Compressés dans des boîtes en plexiglas, les objets enchevêtrés ou en décomposition ne sont guère plus identifiables. Ils s’imposent par la place qu’ils prennent dans l’espace. Leur caractère de rebut indestructible est ici souligné, comme en écho au phénomène naissant du tas d’ordures anarchique, conséquence ultime de leur prolifération envahissante.

    Arman rappelle volontiers ne pas avoir inventé ce vocabulaire de l’excès, mais l’avoir trouvé dans la surproduction d’objets caractéristique des années 60 où « sans doute plus d’objets ont été produits […] que dans toute l’histoire de l’humanité ». Assemblages d’objets similaires, les Accumulations jouent sur ce vertige de la fabrication à la chaîne. Les objets perdent leur singularité pour devenir des unités abstraites d’un ensemble plus vaste.
    Cette dissolution de l’un dans le multiple marque une rupture d’échelle entre l’artisanat et la fabrication de masse, mais aussi une accélération du temps de production. La Briseuse de vagues, accumulation verticale de tête de pioches est à cet égard particulièrement éloquente.

    Excessif, Arman l’est aussi dans ses interventions physiques sur les objets qu’il casse, brise, fend à coups de hache pour en fixer ensuite les morceaux sur des panneaux de bois.
    Faut- il donner un sens iconoclaste à ces actions ? Sans doute, lui qui ira jusqu’à brûler un fauteuil bourgeois ! Mais il y a aussi ce désir de rendre les objets plus proches, moins fermés, pour s’en approcher et les sonder. Casser, oui, mais pas n’importe comment.
    Adepte d’art martiaux, notamment du judo qu’il pratiqua avec son ami Yves Klein, Arman a l’art de la justesse du coup, où la maîtrise du mouvement est condition de l’efficacité du geste. Il réalise d’ailleurs plusieurs Colères en public ou devant les caméras de la NBC. Les objets sur lesquels elles se portent donnent à l’acte une implication symbolique ou émotionnelle variable. Son caractère critique et contestataire, auquel on songe devant une télévision brisée en mille morceaux, a une portée lyrique et transgressive lorsqu’il s’agit d’un instrument de musique.
    Accumulations et Colères forment un répertoire de gestes dont les implications symboliques, affectives ou émotionnelles changent en fonction de l’objet sur lequel ils se portent.

    La Coupe est en revanche un type d’intervention moins polysémique. Elle induit une approche plus rationnelle de l’objet et constitue sans doute l’acte le plus apollinien de la palette gestuelle d’Arman. L’objet s’exhibe en plusieurs morceaux, faisant penser à la phase analytique du Cubisme. Exposée dans la galerie, la coupe de contrebasse intitulée Subida al cielo est sans doute l’une des plus remarquables.

    Arman
    No Comment
    Galerie Vallois, Paris


    Pour paris-art.com, 2006
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    Thème : Arts plastiques
  • Marguerite Pilven

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    Antony Gormley, Breathing Room

    Il y a 12 ans

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    Antony Gormley, Breathing Room
    Le corps humain sous-tend la démarche artistique d’Antony Gormley. Il en constitue l’unité de départ comme l’étalon de mesure. Représenté comme un tout renfermant des parties indépendantes, il est perçu dans sa réalité physique. Deux sculptures intitulées Feeling Material définissent la masse corporelle dans un enroulement de fils d’acier.

    Agrégat moléculaire ou champ énergétique, le corps, chez Gormley, est toujours dynamique et ouvert, inscrit dans l’espace qui l’environne. Le visiteur en fait l’expérience avec le dispositif intitulé Breathing Room. Gormley redessine l’espace de la galerie avec une structure architectonique faite de tubes en aluminium. Enchâssés les uns dans les autres, des cadres carrés et rectangulaires se superposent. L’entrecroisement de leurs arêtes verticales et horizontales rythme le volume de la galerie. Le visiteur peut pénétrer dans cette structure qui se déploie du centre vers la périphérie et dont l’axe central se situe dans l’alignement de l’entrée.

    L’extension progressive de la cage, nous fait graduellement passer de l’échelle du corps à celle de l’espace. Elle rappelle en cela le principe de l’Étude de proportions du corps humain selon Vitruve, réalisé par Léonard de Vinci et déterminant les mesures du corps dans un volume géométrique. On songe aussi, devant ce dispositif spatial se dilatant du centre vers la périphérie, à une cage thoracique géante. Figurant à la fois un corps dilaté et un espace vital, Breathing Room fonctionne comme un lieu de passage où le visiteur circule de manière sensorielle et fluide entre l’une et l’autre de ces dimensions.

    Antony Gormley
    Breathing Room
    Galerie Thaddaeus Ropac, Paris


    Pour paris-art.com, 2006
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    Thème : Arts plastiques
  • Marguerite Pilven

    Marguerite Pilven

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    Anthony Caro

    Il y a 12 ans

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    Anthony Caro
    Aujourd’hui âgé de 80 ans, l’anglais Anthony Caro est un acteur majeur du renouvellement de la sculpture moderne. Abandonnant très tôt la technique classique de moulage pour se tourner vers les propriétés de la matière brute, il développe depuis les années 1960 ses spécificités plastiques.

    L’ensemble des sculptures exposées frappe par leur diversité. Certaines sont très denses, privilégiant les effets de masse tandis que d’autres, plutôt aériennes, se déploient dans l’espace qu’elles laissent pénétrer comme un élément constitutif de leur matérialité. En embrassant du regard ces travaux réalisés depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui, on mesure l’ampleur des recherches menées par Caro.

    Certaines sculptures, parmi les plus massives et monumentales, sont constituées d’un assemblage de matières où le bois, l’acier oxydé et la pierre forment un enchevêtrement de plans au caractère vigoureux. Leur densité, la complexité de leur construction en rendent impossible l’appréciation totale. Il faut tourner autour de ces pièces hétérogènes dont l’ordonnancement se modifie avec le déplacement du spectateur. La sculpture dévoile au terme de cette promenade circulaire ses configurations possibles. Le spectateur fait l’expérience phénoménologique de la révélation successive des pièces autour desquelles il tourne. Rien n’est évident dans ces constructions, aucune logique ni plan d’ensemble n’est décelable de prime abord.
    Cherchant à se débarrasser de la contrainte de l’axe vertical et horizontal qui figerait la sculpture en une structure rigide, Caro ordonne les divers éléments de ses pièces en évitant tout rapport trop évident au sol (ou au socle). Les plaques de métal se succèdent en un jeu d’inclinaisons variées, provoquant « cette sorte de fluidité déferlante » dont parlait Clément Greenberg en 1965.

    La pièce Emma Scribble est à ce titre tout à fait représentative. Cette sculpture aérienne à la structure lisible mais très sophistiquée développe un jeux de déséquilibres constants. Les éléments sont agencés en porte- à- faux, comme sur le point de basculer. Les appuis au sol sont tous bancals, aucun pied n’est complètement perpendiculaire au sol. Cette sculpture très graphique qui privilégie les jeux de la ligne au détriment de la masse et semble frôler tout juste le sol est gracieuse dans ses effets, d’une légèreté jouant avec l’idée d’apesanteur.

    Anthony Caro
    Galerie Daniel Templon, Paris


    Pour paris-art.com, 2005
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    Thème : Arts plastiques
  • Marguerite Pilven

    Marguerite Pilven

    Critique d'Art, Commissaire d'exposition

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    Balkenhol, Baechler, Vital... Perpetual Bliss

    Il y a 12 ans

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    Balkenhol, Baechler, Vital... Perpetual Bliss
    Sorte d’état des lieux de la sculpture contemporaine, le choix des œuvres présentées a ceci de stimulant qu’il ne s’enferme dans aucune vision privilégiée. Soulignant au contraire la grande diversité des démarches, cette confrontation d’œuvres très différentes est aussi un moyen d’en faire ressortir la singularité. Elles nous placent chaque fois dans des situations inédites qui enrichissent notre rapport à l’objet et en ravivent les implications et significations, occultées par une trop grande familiarité d’usage.

    Sculptée par Stephan Balkenhol, une petite femme à la pose hiératique regarde droit devant elle. Grâce au socle de bois disproportionné qui la supporte, elle nous surplombe de ses trente centimètres de hauteur. D’aspect ordinaire, ce personnage dénué d’expression partage pourtant avec les héros de l’histoire le même privilège d’élévation. Des petits coups de burin tailladent le bois à contre-sens, allant jusqu’à hérisser par endroits sa surface.
    En mettant en valeur la résistance du bois, Balkenhol accentue le travail essentiellement physique d’une sculpture qui est affrontement à la matière : on embrasse d’un seul regard le cheminement qui mène du bois brut à l’extraction de ce gracieux personnage.

    Donald Baechler rend visible le passage de la matière à son actualisation dans une forme. Un portrait en buste de profil, et un bouquet de fleurs, tous deux en bronze semblent pourtant faits d’une boue épaisse et noire. Le contour maladroit des masses dessine une forme imprécise, et un rendu grumeleux de la surface fait vibrer ces formes obscures. Le titre du portrait annonce une seule tête, mais le buste en constitue une seconde, qu’à première vue on ne distingue pas. On reste comme au seuil de son actualisation totale.

    Issus d’une génération qui a eu en héritage la rigueur minimaliste et conceptuelle des années 1970, ces travaux de Balkenhol et Baechler, non dénués d’humour, réintègrent ce qui devenait tabou : le recours à la figuration et surtout à la figure humaine.
    Voisinant ces œuvres très incarnées, les quatre coussins gonflés d’air de Gerald Rockenschaub apparaissent dans toute leur légèreté. Disposés côte à côte, ils effleurent le sol, sans attache, comme prêts à décoller. Leur immatérialité, leur propension à habiter l’espace rendent le socle inutile.

    D’autres sculptures, comme celles de Not Vital ou de Liza Lou, tirent leur puissance d’une appropriation imaginaire des objets les plus usuels. Ils imposent leur forte présence et nous inscrivent dans un rapport de fascination, altérant la relation "ustensilaire" que l’on pratique d’ordinaire avec eux. Le grand traîneau de marbre blanc que Not Vital a dressé à la verticale fait apparaître un nouvel objet, sorte de totem à la beauté intimidante.
    Liza Lou, en parant de perles brillantes un tronc d’arbre dans lequel une hache est plantée, les investit d’une charge spirituelle et symbolique.

    Depuis les ready-made de Duchamp, et parce qu’elle partage avec l’objet sa tridimensionnalité, la sculpture ne cesse d’interroger les limites de son identité par un jeu serré de confrontations ou d’identifications à celui-ci. L’objet ready-made de Sylvie Fleury, une élégante chaussure à talon en bronze, est posé sur un cube de miroirs, réfléchissant sa silhouette. Son mode d’exposition ainsi que sa fabrication dans un matériau noble présente la chaussure, non pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle évoque et suggère : un attribut de luxe et de séduction flattant l’ego. Par cette mise en scène, l’artiste rappelle de façon ironique la valeur ajoutée que l’industrie de la mode, et plus généralement les médias donnent à ces accessoires de beauté. Elle pointe les différentes réalités, psychologiques, idéologiques ou sociales, qui nous lient de manière irrationnelle à des objets qui sont investissements du désir.

    Tom Sachs se confronte, quant à lui, aux objets manufacturés du monde industriel en les sortant de leur neutralité. Sink ist Module est un lavabo d’aspect bricolé, doté d’un judicieux système de tuyauteries et de jerrican d’eau. L’assemblage grossier de ces différentes composantes, à grands coups de sparadrap et de colle dont on voit bien les traces, met à nu son processus de fabrication et son système de fonctionnement. Réappropriation artisanale d’un objet industriel, ce lavabo s’apparente à un jeu de construction ludique.

    Mc Donald Garbage Can est un meuble peint en rouge avec, posés dessus, des petits plateaux en plastique orange dont on a pyrogravé le sigle. Ces traces de brûlures manifestes peuvent être lues comme une réaction agressive contre un monde formaté. Autant de gestes par lesquelles Sachs développe un rapport singulier et personnel avec des objets dépourvus de personnalité.

    Les trois métronomes noirs que Martin Creed a posés sur un socle blanc rectangulaire apparaissent dans toute leur sobriété : froids instruments de mesure du temps qui passe. La forme des métronomes et la polarité exclusive du noir et du blanc peuvent évoquer une trinité de juges à la sentence sans appel, ou bien ces hommes des temps modernes courant contre la montre, au costume noir devenu depuis Baudelaire symbole de cette triste aliénation.

    Balkenhol, Baechler, Vital...
    Perpetual Bliss
    Galerie Thaddaeus Ropac, Paris


    Pour paris-art.com, 2005
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    Thème : Arts plastiques
  • Marguerite Pilven

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    Abbas Kiarostami

    Il y a 12 ans

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    Abbas Kiarostami
    Le cinéaste iranien Abbas Kiarostami s’est fait connaître en France à partir de 1997, lorsqu’il a obtenu la Palme d’Or à Cannes pour son film Le Goût de la cerise. Egalement poète, un de ses recueils est traduit en français et publié depuis 2001 chez POL. La galerie de France expose en ce moment un ensemble de ses photographies en noir et blanc, des clichés de paysages sous la neige.

    Durant les années de la Révolution, alors que son travail de cinéaste se voit empêché par la censure, Kiarostami se procure un appareil photo et ressent le besoin de se rapprocher de la nature. Aucun titre, ni date ne sont jamais précisés, comme si l’artiste voulait éloigner ses photographies de toute forme de contingence. La neige finit d’ensevelir les derniers indices d’un lieu précis.

    Les paysages photographiés ne font l’objet d’aucune mise en scène, mais procèdent d’une observation patiente et attentive de la nature. Un envol d’oiseaux au-dessus d’une chaîne de montagnes, un cheval noir traversant une étendue de neige immaculée ou le passage d’un chien sauvage, autant d’événements qui apparaissent à Kiarostami durant ses promenades et dont il réalise les prises de vue. On sent le regard du cinéaste, anticipant habilement la progression des mouvements dans le cadre.

    Des images procèdent plutôt d’un jeu formel, comme dans ces photographies d’ombres projetées d’une rangée d’arbres rythmant la surface, dont le cadrage retenu par l’artiste privilégie la symétrie, et le tirage fortement contrasté la beauté graphique.
    Pour d’autres photographies, Kiarostami choisi un tirage plus sensuel, évocateur de l’atmosphère immatérielle provoquée par la neige. Le froid enveloppe le paysage d’une qualité atmosphérique vaporeuse adoucissant la lumière, et les ombres se déclinent en teintes grisées subtiles, le grain épais de la pellicule rend sensible les effets de recouvrement de la neige sur les branches d’arbres ou arrondissant les volumes du paysage.

    Les visions alternent entre vues panoramiques privilégiant l’impression d’immensité et d’absorption complète dans le paysage, et vues fragmentées retenant à la manière d’un haïku un détail harmonieux valable pour le tout. Loin des conflits qui agitent son pays, Abbas Kiarostami a développé, à une époque où il pouvait encore vivre en Iran, un travail contemplatif qui à la manière de la poésie persane rend avant tout hommage à la nature en la magnifiant.

    Pour paris-art.com, 2004
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    Thème : Arts plastiques
  • Marguerite Pilven

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