TOUS LES ARTICLES

Elvire Bonduelle

Elvire Bonduelle

Artiste

www.elvirebonduelle.com

Elvire Bonduelle est diplômée de l'Ecole des Beaux-arts de Paris en 2005. Elle vit à Paris et elle travaille et expose en France et à l'étranger. Elvire Bonduelle revendique le joli, l’esthétique sans abandonner le propos et le concept qu’elle transmet toujours avec une pointe d’humour et d’ironie. Elle propose, dans ses œuvres, une autre vision du monde en décalant son point de vue, comme dans « Le Meilleur Monde » un vrai-faux numéro du quotidien Le Monde à l'identique, constitué uniquement de bonnes nouvelles .
  • Residency - The Tropicool Company - Paris, France
    February 2016
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • Collective show at La KunstHalle de Mulhouse - France
    Le meilleur des mondes
    from June the 6th to August the 21st, 2016
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • Curatorial project at Sperling Gallery - Munich, Germany
    Waiting Room #4
    From November the 13th 2015 to January the 23rd 2016
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • OKKO and Birds

    Il y a 6 ans

    / Travaux

    • 1 - the impermanent collection show 5
      the impermanent collection show 5
    • 2 - the impermanent collection show 3
      the impermanent collection show 3
    • 3 - the impermanent collection show 4
      the impermanent collection show 4
    • + 7 media(s)
    Thème : Arts plastiques
    • 1 - what you see 6
      what you see 6
    • 2 - what you see 5
      what you see 5
    • 3 - what you see 7
      what you see 7
    • + 6 media(s)
    Thème : Arts plastiques
  • Talking about paintings one often starts immediately to think about traditional works on canvas on which illusion of a pictorial space is created. Painting as an alternative for a window. Our view converges, we look into the painting and for a while we leave the surrounding for what it is. Therefore a painting is always recognized as an autonomous object, as something to be look at or in other words to be looked through like looking out of a window.
    There are painters who attempt to deny this by processing the canvas; not so much the pictorial space but the painterly effect plays the main role. Instead of the
    window-effect the qualities of the window-glass are pointed out. How transparent or opaque is the paint, how thick the blobs, the colors. In short, paintings with a particular processing that are nowadays known as zombie-formalism and surface-paintings. Now we look on the window instead of through it and yet we detect the thing as autonomous in the space. Space and surrounding still hardly play a role; the effect is still converging.
    If there are disadvantages in painting then certainly this stubborn converging effect is one of them. A diverging working, so from the painting towards it surroundings, hardly occurs. The context in which the work is shown has seldom a direct effect on the image itself as it is much more self-evident in the case of sculpture.
    So, how to draw that context actively into the image? I think that here  Elvire Bonduelle (1981) has found a manner with her paintings that evoke curtains (hanging in front of window-glasses). She does not deny the limits of a painting; she just uses these by putting the viewer on the wrong track for a short period. The one who doesn't keep continuously an eye on them may not notice that the paintings are now and then quarter turned by the gallerist. Exactly, the context with all its facets suddenly plays an enormous role. The works themselves stay converging, but by this action space is literally in full integrated.
    Now, with a photo report like this one, it may not look that exciting and the paintings look like something we know by now, but the performance around them makes it into an interesting experience.
    Talking about paintings one often starts immediately to think about traditional works on canvas on which illusion of a pictorial space is created. Painting as an alternative for a window. Our view converges, we look into the painting and for a while we leave the surrounding for what it is. Therefore a painting is always recognized as an autonomous object, as something to be look at or in other words to be looked through like looking out of a window. There are painters who attempt to deny this by processing the canvas; not so much the pictorial space but the painterly effect plays the main role. Instead of the window-effect the qualities of the window-glass are pointed out. How transparent or opaque is the paint, how thick the blobs, the colors. In short, paintings with a particular processing that are nowadays known as zombie-formalism and surface-paintings. Now we look on the window instead of through it and yet we detect the thing as autonomous in the space. Space and surrounding still hardly play a role; the effect is still converging.
    If there are disadvantages in painting then certainly this stubborn converging effect is one of them. A diverging working, so from the painting towards it surroundings, hardly occurs. The context in which the work is shown has seldom a direct effect on the image itself as it is much more self-evident in the case of sculpture.        

    So, how to draw that context actively into the image? I think that here  Elvire Bonduelle (1981) has found a manner with her paintings that evoke curtains (hanging in front of window-glasses). She does not deny the limits of a painting; she just uses these by putting the viewer on the wrong track for a short period. The one who doesn't keep continuously an eye on them may not notice that the paintings are now and then quarter turned by the gallerist. Exactly, the context with all its facets suddenly plays an enormous role. The works themselves stay converging, but by this action space is literally in full integrated.  
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • Texte par Claire Staebler

    Il y a 7 ans

    / Travaux / Les Cales

    Texte par Claire Staebler
    Manifeste pour une vie plus confortable

    Ludique, ingénieux, décomplexé, généreux, fonctionnel et surtout "comme à la maison", le travail d’Elvire Bonduelle emprunte toutes sortes de chemins détournés pour évoquer des petits riens du quotidien. Elle conçoit des obstacles pour nous entraîner à être plus souple, des tablettes de chocolat en céramique pour les offrir à ses amis, des sacs à pique-nique mous comme un sandwich… N’hésitant pas à se mettre en scène dans les situations les plus incongrues telle une présentatrice du télé-achat prête à tout pour mettre en avant les atouts de sa « marchandise », Elvire navigue toujours entre performance et auto-filmage à la façon des « One minute sculptures ». Pour OneStarPress, cette jeune artiste réalise Les Cales, un livre mode d’emploi et manifeste pour une vie plus confortable où elle s’investit une fois de plus corps et âme, n’hésitant pas à en tester elle-même tous les avantages. Stratégie de résistance passive, Les Cales, sorte d’objet en mousse de couleur douteuse, permettent à l'artiste d'arrondir les angles, de se lover confortablement, de revisiter le mobilier urbain ou de créer des sculptures éphémères entre espace intime et espace public.La vie est DURE ! Que faire ? S’adapter… tel est le mot d’ordre et le mot de passe d’Elvire Bonduelle pour une vie plus… molle? Claire Staebler, AfterArtNews, juin 2006
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • Camille Paulhan
    Elvire Bonduelle
par Camille Paulhan - septembre 2010
    Lorsqu’Elvire Bonduelle est passée devant le jury de l’Ecole des Beaux-Arts en 2000, elle leur a présenté des prothèses pour sourire et des lunettes sèche-larmes. Ces objets, qui pourraient aisément prendre place aux côtés des prothèses de Markus Schinwald dans Dictio Pii, mais dans une version plus joyeuse (1). Ce qui, selon ses dires, fit rire le jury (ça ne doit pas être une mince affaire) ; elle a depuis été diplômée de l’ENSBA, mais n’a pas arrêté d’ébaucher ces petits objets censés nous faciliter la vie ou tout du moins nous faire oublier sa dureté. Elle a écrit un manifeste, genre délicieusement désuet aujourd’hui, mais qui a le mérite de rassembler sa pratique actuelle sous son égide :
    « Je crée des choses inspirées par ma quête du bonheur. La plupart du temps il s’agit d’objets qui peuvent être utiles tous les jours car je veux qu’ils soient présents et importants dans notre vie quotidienne. Leur fonction n’est pas primordiale (ils ne sont d’ailleurs pas toujours très fonctionnels), mais ils racontent des histoires : avec les cales on s’adapte, avec les obstacles on s’assouplit, avec les fauteuils on se cultive, etc... Parfois, ce sont des vidéos, diaporamas, chansons ou livres, avec toujours cette ambition de reconstruire le monde et surtout de refonder notre rapport à celui-ci. »
    La quête du bonheur peut bien faire sourire : dans tous les cas, il s’agit bel et bien du moteur de travail de la jeune artiste. Elle qui trouvait l’art contemporain triste et désespéré quand elle est entrée aux Beaux-Arts n’a pas beaucoup varié sur la question. Mais disons qu’elle pourrait y avoir apporté une touche de légèreté qui n’est pas désagréable. Que penser d’une artiste qui revendique un art tendre, doux voire (une honte !) gentil ? Que du bien, évidemment. Pas seulement parce qu’il est salutaire d’entendre quelqu’un déclarer que son art est naïf et aspire au bonheur, mais également parce qu’il y a toujours quelque chose à écorcer derrière les déclarations d’intention. 
Il y a, c’est vrai, chez Elvire Bonduelle, cette volonté d’améliorer notre quotidien : ce sont par exemple des cales molles à la Oldenburg qui nous permettraient de profiter mieux des meubles de tous les jours. Se caler devant la télévision, supprimer l’espace qui nous gêne entre le dos et le canapé, par exemple. Ce sont aussi ces pièces minimales mais dont le titre révèle leur amusante fonction : Arrondir les angles au moyen de ces sculptures, à la manière des protège-coins pour bébés, qui les empêchent de heurter les arêtes et autres encoignures. L’artiste remeuble notre intérieur de manière non décorative, mais dans un but plutôt fonctionnel et contemplatif : les espaliers ne sont plus ces instruments de torture gymnastique (une sorte de gril de saint Laurent à la verticale) mais deviennent des bibliothèques ou des supports à plantes vertes. Et, puisqu’il faut bien se muscler en plus de s’instruire, Bonduelle a inventé des poignées-haltères, qu’on se garderait bien de soulever.
    Mais, à y regarder de plus près, plusieurs de ses œuvres semblent paradoxales : il y a tout d’abord les Adaptateurs, des sièges qui peuvent à première vue nous rappeler les chaises d’école primaire, en bois cerclé de métal, et qu’il serait délicat de qualifier de confortables. Les adaptateurs de l’artiste, réalisés pour permettre au spectateur de regarder autrement le paysage (un peu plus bas, un peu plus penché, tourné vers le ciel, les pieds en l’air), peuvent être disposés de toutes les manières possibles. Mais dans tous les cas, il nous faudrait une bonne demi-douzaine de cales molles pour y être à l’aise. Et pourtant, à la manière de certaines œuvres de Philippe Ramette dont la parenté formelle semble évidente, ces meubles semblent être là pour permettre un délassement tout autant que mettre en jeu une ironie certaine. Est-ce le spectateur qui fait s’accommoder l’adaptateur à son propre corps ou le meuble même qui lui impose ses coins ?
    Dans un autre registre, son Rocking-transat, que l’on peut agrémenter de différents revêtements, semble tout à fait inoffensif. Les peintures de grosses gouttes bleu clair, noires ou rouge vif qui pourraient l’habiller représentent en réalité larmes, pétrole et sang. Une manière de représenter le tragique sous un mode symbolique qui rappelle certaines méthodes, comme les haricots de Viallat.
    La vie contemporaine serait dure : Elvire Bonduelle ne tente pas de réfuter cet argument, mais plutôt de le contourner. Pour cette dernière, l’art se préoccupe trop de cette dureté, au point parfois de s'y enliser ; elle fera alors un art qui n’efface pas la réalité mais se contente d’en donner une nouvelle approche. Son Meilleur Monde, sorte de pastiche du quotidien français dont les pages sont devenues des supports à bonnes nouvelles, a été globalement perçu comme un éloge des bonnes nouvelles, ou (son pendant obligé) comme une déploration de la rareté des bonnes nouvelles, minceur de ce nouvel opus oblige. Bien sûr, ces deux approches n’étaient pas erronées, mais on aurait très bien pu également y voir l’angoisse d’un monde parfait. Le titre même de l’œuvre, rappelant sans nul doute le roman de Huxley, pouvait augurer d’un univers où toute mauvaise nouvelle serait accueillie par un petit rectangle blanc disposé à dessein pour la masquer. L’apologie du bonheur est ambiguë chez l’artiste, tout simplement parce qu’il lui est impossible de faire abstraction de la réalité. Comme elle l’explique, si la vie est dure, alors il faut s’entraîner. Ce n’est pas « faire comme si », mais « faire avec et autrement ». Sa vidéo L’homme semble exprimer parfaitement cette idée : elle y présente un « homme » (elle-même), « standard, aux proportions classiques ». Face aux nouvelles du monde (qui défilent sur l’écran, des plus graves aux marronniers), l’ « homme » peut se mettre à pleurer. Mais un autre type d’homme existe : celui qui se met à danser, devant le spectacle des pires actualités. Nul cynisme chez l’artiste, puisque « la vie continue, ce n’est jamais terminé ». Voilà juste une nouvelle attitude, ni désintéressement, ni complainte bruyante du délabrement du monde, mais acceptation de celui-ci afin de pouvoir aller vers autre chose.
    Le travail d’Elvire Bonduelle semble relever d’un désenchantement joyeux. Il n’y a d’ailleurs pas que les « grands sujets » qui l’intéressent ; l’intime, la sphère familiale bourgeoise la fascinent également. Et là encore, il n’est pas question de déplorer la perte de la profondeur d’âme et de la grandeur d’esprit : tout au plus souhaite-t-elle s’en amuser, en réalisant des tee-shirts ?? KK (besoin d’un dessin ?), des fauteuils-étagères à livres de poche qui viendront remplacer les bibliothèques à encyclopédies, ou encore des assiettes à définitions de mots compliqués pour mieux égayer les conversations de table. Sa collection de photographies de maisons, voitures et chiens, synonymes du confort et de la réussite bourgeois nous prouvent, s’il y avait besoin, que le bonheur n’existe définitivement pas dans les stéréotypes. Alors, comme tout ne va pas si bien dans le meilleur des mondes, il faut savoir en rire et « cultiver notre jardin ».
    * Deuxième version du texte, Màj 18 septembre 2010.
    (1) On me pardonnera d’y faire absolument tout le temps allusion, mais le Catalogue d’objets introuvables de Carelman recèle d’objets de la sorte. Ainsi, on y trouve les « Lunettes pour éplucher les oignons », munies de petits tuyaux garnis d’éponges (ou l’anti-Elvire Bonduelle, la « Cafetière pour masochiste », avec manche du côté de la verseuse).
    Portrait

    Lorsqu’Elvire Bonduelle est passée devant le jury de l’Ecole des Beaux-Arts en 2000, elle leur a présenté des prothèses pour sourire et des lunettes sèche-larmes. Ces objets, qui pourraient aisément prendre place aux côtés des prothèses de Markus Schinwald dans Dictio Pii, mais dans une version plus joyeuse (1). Ce qui, selon ses dires, fit rire le jury (ça ne doit pas être une mince affaire) ; elle a depuis été diplômée de l’ENSBA, mais n’a pas arrêté d’ébaucher ces petits objets censés nous faciliter la vie ou tout du moins nous faire oublier sa dureté. Elle a écrit un manifeste, genre délicieusement désuet aujourd’hui, mais qui a le mérite de rassembler sa pratique actuelle sous son égide :

    « Je crée des choses inspirées par ma quête du bonheur. La plupart du temps il s’agit d’objets qui peuvent être utiles tous les jours car je veux qu’ils soient présents et importants dans notre vie quotidienne. Leur fonction n’est pas primordiale (ils ne sont d’ailleurs pas toujours très fonctionnels), mais ils racontent des histoires : avec les cales on s’adapte, avec les obstacles on s’assouplit, avec les fauteuils on se cultive, etc... Parfois, ce sont des vidéos, diaporamas, chansons ou livres, avec toujours cette ambition de reconstruire le monde et surtout de refonder notre rapport à celui-ci. »

    La quête du bonheur peut bien faire sourire : dans tous les cas, il s’agit bel et bien du moteur de travail de la jeune artiste. Elle qui trouvait l’art contemporain triste et désespéré quand elle est entrée aux Beaux-Arts n’a pas beaucoup varié sur la question. Mais disons qu’elle pourrait y avoir apporté une touche de légèreté qui n’est pas désagréable. Que penser d’une artiste qui revendique un art tendre, doux voire (une honte !) gentil ? Que du bien, évidemment. Pas seulement parce qu’il est salutaire d’entendre quelqu’un déclarer que son art est naïf et aspire au bonheur, mais également parce qu’il y a toujours quelque chose à écorcer derrière les déclarations d’intention. 
Il y a, c’est vrai, chez Elvire Bonduelle, cette volonté d’améliorer notre quotidien : ce sont par exemple des cales molles à la Oldenburg qui nous permettraient de profiter mieux des meubles de tous les jours. Se caler devant la télévision, supprimer l’espace qui nous gêne entre le dos et le canapé, par exemple. Ce sont aussi ces pièces minimales mais dont le titre révèle leur amusante fonction : Arrondir les angles au moyen de ces sculptures, à la manière des protège-coins pour bébés, qui les empêchent de heurter les arêtes et autres encoignures. L’artiste remeuble notre intérieur de manière non décorative, mais dans un but plutôt fonctionnel et contemplatif : les espaliers ne sont plus ces instruments de torture gymnastique (une sorte de gril de saint Laurent à la verticale) mais deviennent des bibliothèques ou des supports à plantes vertes. Et, puisqu’il faut bien se muscler en plus de s’instruire, Bonduelle a inventé des poignées-haltères, qu’on se garderait bien de soulever.

    Mais, à y regarder de plus près, plusieurs de ses œuvres semblent paradoxales : il y a tout d’abord les Adaptateurs, des sièges qui peuvent à première vue nous rappeler les chaises d’école primaire, en bois cerclé de métal, et qu’il serait délicat de qualifier de confortables. Les adaptateurs de l’artiste, réalisés pour permettre au spectateur de regarder autrement le paysage (un peu plus bas, un peu plus penché, tourné vers le ciel, les pieds en l’air), peuvent être disposés de toutes les manières possibles. Mais dans tous les cas, il nous faudrait une bonne demi-douzaine de cales molles pour y être à l’aise. Et pourtant, à la manière de certaines œuvres de Philippe Ramette dont la parenté formelle semble évidente, ces meubles semblent être là pour permettre un délassement tout autant que mettre en jeu une ironie certaine. Est-ce le spectateur qui fait s’accommoder l’adaptateur à son propre corps ou le meuble même qui lui impose ses coins ?

    Dans un autre registre, son Rocking-transat, que l’on peut agrémenter de différents revêtements, semble tout à fait inoffensif. Les peintures de grosses gouttes bleu clair, noires ou rouge vif qui pourraient l’habiller représentent en réalité larmes, pétrole et sang. Une manière de représenter le tragique sous un mode symbolique qui rappelle certaines méthodes, comme les haricots de Viallat.

    La vie contemporaine serait dure : Elvire Bonduelle ne tente pas de réfuter cet argument, mais plutôt de le contourner. Pour cette dernière, l’art se préoccupe trop de cette dureté, au point parfois de s'y enliser ; elle fera alors un art qui n’efface pas la réalité mais se contente d’en donner une nouvelle approche. Son Meilleur Monde, sorte de pastiche du quotidien français dont les pages sont devenues des supports à bonnes nouvelles, a été globalement perçu comme un éloge des bonnes nouvelles, ou (son pendant obligé) comme une déploration de la rareté des bonnes nouvelles, minceur de ce nouvel opus oblige. Bien sûr, ces deux approches n’étaient pas erronées, mais on aurait très bien pu également y voir l’angoisse d’un monde parfait. Le titre même de l’œuvre, rappelant sans nul doute le roman de Huxley, pouvait augurer d’un univers où toute mauvaise nouvelle serait accueillie par un petit rectangle blanc disposé à dessein pour la masquer. L’apologie du bonheur est ambiguë chez l’artiste, tout simplement parce qu’il lui est impossible de faire abstraction de la réalité. Comme elle l’explique, si la vie est dure, alors il faut s’entraîner. Ce n’est pas « faire comme si », mais « faire avec et autrement ». Sa vidéo L’homme semble exprimer parfaitement cette idée : elle y présente un « homme » (elle-même), « standard, aux proportions classiques ». Face aux nouvelles du monde (qui défilent sur l’écran, des plus graves aux marronniers), l’ « homme » peut se mettre à pleurer. Mais un autre type d’homme existe : celui qui se met à danser, devant le spectacle des pires actualités. Nul cynisme chez l’artiste, puisque « la vie continue, ce n’est jamais terminé ». Voilà juste une nouvelle attitude, ni désintéressement, ni complainte bruyante du délabrement du monde, mais acceptation de celui-ci afin de pouvoir aller vers autre chose.

    Le travail d’Elvire Bonduelle semble relever d’un désenchantement joyeux. Il n’y a d’ailleurs pas que les « grands sujets » qui l’intéressent ; l’intime, la sphère familiale bourgeoise la fascinent également. Et là encore, il n’est pas question de déplorer la perte de la profondeur d’âme et de la grandeur d’esprit : tout au plus souhaite-t-elle s’en amuser, en réalisant des tee-shirts ?? KK (besoin d’un dessin ?), des fauteuils-étagères à livres de poche qui viendront remplacer les bibliothèques à encyclopédies, ou encore des assiettes à définitions de mots compliqués pour mieux égayer les conversations de table. Sa collection de photographies de maisons, voitures et chiens, synonymes du confort et de la réussite bourgeois nous prouvent, s’il y avait besoin, que le bonheur n’existe définitivement pas dans les stéréotypes. Alors, comme tout ne va pas si bien dans le meilleur des mondes, il faut savoir en rire et « cultiver notre jardin ».

    Camille Paulhan, Portraits-lagalerie.fr, août 2010

    * Deuxième version du texte, 18 septembre 2010.
    (1) On me pardonnera d’y faire absolument tout le temps allusion, mais le Catalogue d’objets introuvables de Carelman recèle d’objets de la sorte. Ainsi, on y trouve les « Lunettes pour éplucher les oignons », munies de petits tuyaux garnis d’éponges (ou l’anti-Elvire Bonduelle, la « Cafetière pour masochiste », avec manche du côté de la verseuse).
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • Texte par Marguerite Pilven

    Il y a 7 ans

    / Presse / Non Non Non

    Texte par Marguerite Pilven
    Non Non Non… Elvire Bonduelle ne se livrera toujours pas au bon sens. Voudrait-elle au moins faire un effort ? Elle invente des coussins qui sont comme des cales, triangulaires et imprimés faux bois pour donner, malgré tout, un peu de tenue à son grand corps dégingandé. Mais c’est compter un peu vite sur la demoiselle qui, avec malice, se ménage aussi la possibilité de les adapter à ses poses alanguies. Comme dans un tour de passe- passe, elle les assemble en diverses configurations qui oscillent entre l’ordre et le désordre, l’homogène et l’hétérogène. Devant ces propositions à l’équilibre fragile, on se demande lequel de ces deux éléments, corps ou coussin-cale, a dû s’adapter à l’autre pour parvenir enfin à un point d’harmonie ! Car même s’ils sont mous, les coussins de forme triangulaire restent assez peu adaptés aux courbes du corps. Au final, on ne saura jamais vraiment si Elvire s’y love ou s’y cale. Il semblerait qu’à travers ses propositions absurdes, comme avec cette vidéo intitulée « il faut que je m’assouplisse », Elvire flirte constamment avec l’idée de conditionnement, et d’adaptation aux lois sociales. En travaillant cette tension entre des formes géométriques et organiques, qui est une problématique classique de la sculpture, Elvire file l’air de rien la métaphore d’un monde dur et hostile qu’il s’agit de rendre plus confortable. Elvire s’agite dans des films d’animation réalisés par ses soins.
    Elle bricole des éléments de décor avec du carton pour décrire ses maladresses et menus malheurs domestiques. Et bien qu’elle finisse par conclure qu’il faut
    « se détacher des petites choses », l’enfer se situe encore du côté de ces objets sur lesquels elle n’a pas prise.

    Les propositions d’Elvire Bonduelle prennent également la forme de comptines semi-innocentes qu’elle chantonne sur des musiques sautillantes et acidulées, composées et jouées au synthé par son ami et complice Séverin Tézenas. Sur l’un des clips les accompagnant, son corps se trémousse avec une maladresse enfantine, au milieu de nuages, dans un monde aérien qui a l’avantage de ne pas être étriqué. La thématique du corps est omniprésente dans les propositions d’Elvire. Ses éléments de mobilier ou obstacles pour faire de l’exercice physique sont autant de propositions à la fois ironiques et thérapeutiques tournant autour d’un même sujet : l’entrée dans l’âge adulte et l’esprit de sérieux.
    Comme pour retarder le passage obligé dans la raideur de ce monde, Elvire emprunte, avec une pointe d’humour et de provocation, les sentiers de la régression. Par de constantes allusions à la petite enfance, elle évoque un stade où l’on se confronte encore au réel par le biais d’objets transitionnels. Des rideaux sont imprimés avec les lettres KK de couleur marron et « PP » (pie grec deux fois) de couleur jaune, couleurs que l’on trouve également dans les coussins- cales. La pièce intitulée Lit d’ami se compose quant à elle d’un matelas découpé en étoile et recouvert d’une housse jaune pipi, avec, posé en son centre telle une offrande, une couette et un oreiller marrons mis en forme d’étron géant.  Qu’on ne se méprenne donc pas sur l’évidence de ces pièces qui, derrière une naïveté de façade, s’avèrent plus ambivalentes qu’on ne pourrait le penser.

    Marguerite Pilven, communiqué pour l'exposition personnelle Non Non Non, Galerie DeDiBy, juillet 2006.
    Suite
    Thème : Arts plastiques
    • 1 - marseille dessin ombres
      marseille dessin ombres
    • 2 - dess salle d'att
      dess salle d'att
    • 3 - dess tapisserie
      dess tapisserie
    • + 15 media(s)
    Thèmes : Arts plastiques, Dessin