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  • Connaissance des Arts Février 2013 n°712
    Thème : Photographie
  • Germain Caminade

    Germain Caminade

    Artiste, peintre, graphiste

    www.germaincaminade.com

    Propos

    Il y a 12 ans

    Germain Caminade, chercheur de résonances et libérateur d’images. Si toute définition est une limitation, il n’y a pas à s’étonner que l’œuvre de Germain Caminade soit indéfinissable. Elle se refuse à toute clôture, échappe aux horizons étroits, aux généalogies classiques comme à l’étiquetage facile ; elle transgresse allègrement les frontières. « Toute frontière oppressive est une frontière illusoire », ce n’est pas un hasard si ce sont les mots de l’épistémologue Gaston Bachelard qui viennent spontanément sous notre plume pour évoquer la trajectoire de Caminade. Son travail échappe aux définitions figées et définitives : autant il ne se laisse pas cerner par de hasardeux rapprochements avec d’autres artistes contemporains, autant il entre en résonance avec la démarche du chercheur scientifique, avec l’ouverture permanente de la méthode à sa propre transformation, avec la recherche de nouveaux plans de résonances entre toutes les phases de la culture, technique, scientifique et philosophique. Des résonances qui mettent en relation le constructivisme et les sculptures mayas, le génie de Léonard et les ruptures d’échelle de la physique, les éclats de la poétique urbaine et l’amplitude spirituelle antérieure à toute obédience. Son oeuvre transcende les temps et les lieux. Il y a, dans l’aura de ses œuvres, une aspiration à l’universalité, ou plus exactement à la diversalité des horizons, à l’émancipation des émotions humaines, et celle-ci se diffracte en une multitude de facettes dans le prisme de ses talents.

    Au travers de ces divergences, le style Caminade est pourtant immédiatement reconnaissable et résolument original : on ne trouvera chez lui aucune imitation, ni même de démarcations ou de rupture ostentatoire ; ses tableaux ne ressemblent tout simplement à rien de déjà vu. Son travail ne s’achemine pas vers un style stéréotypé ou une technique privilégiée : il pratique aussi bien le dessin que la peinture, le numérique que la fresque in situ. Sa progression obéit à une dynamique fractale : il empreinte tous les chemins à la fois et ne conçoit son art que par l’exploration libre des possibles. Ses multiples productions ne manquent toutefois pas de cohérence : des résonances entre séries apparaissent dans chaque technique et chaque élément trouve sa place dans un spectre, dans un profil artistique. 

    Prenons le cas des deux séries « organiques » et « énergies » pour entrer dans le vif du sujet : elles sont au plein cœur du dispositif de Caminade et manifeste son intention : libérer les images. Ce qui frappe d’emblée le spectateur, c’est la conversion du regard, la rupture avec les schémas ordinaires. Un effort est exigé du spectateur, celui de rompre avec les obstacles à l’exercice libre de l’imagination, il lui faut accepter de perdre momentanément ses repères pour se laisser prendre par le mouvement de l’imagination. Dès qu’on accepte que l’image n’est plus le reflet de quelque chose comme un objet fixe mais l’exploration de potentiels, la profusion interne et le débordement des images nous entraînent dans leurs transes et affirment leur indépendance à l’égard du cadre rigide et rectangulaire de la représentation classique. Ainsi les organiques tremblent d’une activité vivante, bouillonnement ou décomposition, qui ne se laisse nullement enfermer dans les limites de la toile ; elles semblent vouloir conquérir l’espace alentour, tandis que les énergies traversent horizontalement la feuille comme le cadran d’un oscilloscope où défilerait un flux irrépressible d’émotions. Philosophe aussi de l’imaginaire, Gaston Bachelard offre des instruments d’analyse précieux pour préciser cette dualité.

    Les organiques sont du côté de « l’imagination matérielle » : elles scrutent les profondeurs de la matière organique habitée de pulsions ; leurs touches nerveuses s’emparent de dynamiques aléatoires d’où surgissent des équilibres métastables et des processus de cristallisation. Elles évoquent la nature à d’autres résolutions comme si l’œil s’accommodait à des visions neuves à travers un microscope tourné vers les conflits intestins de notre chair ou des entrailles de la nature primitive. Ce sont des proliférations microbiennes, des animacules chimériques et des molécules en pleine élaboration. Mais peut-être sont-ce aussi des mises à distance, au travers d’un télescope pointé vers d’autres mondes en cours d’effondrement, où des déflagrations éclatent l’horizon et où s’accomplissent d’oniriques apocalypses. Notre ami commun Florent Nicolas a raison d’évoquer à leur propos une énergie « vibratoire » : l’intensité de celle-ci peut aller jusqu’à induire une panique du regard qui, ne sachant plus où se poser, ne parvient plus à s’arrêter. La matière ne sera plus jamais figée, elle se convulsionne en-deçà ou au-delà de la forme.

    Les énergies relèvent davantage de « l’imagination dynamique » : elles obéissent à une poésie ondulatoire, dont la fluidité ne masque pas le souci constant que Caminade prête à l’accidentel et aux ruptures de rythmes. La superposition de lignes élémentaires qui les composent suggère des analogies avec les musiques électroniques savamment composées. L’enlacement de leurs filaments évoquent la superposition des nappes de sons qui entrent peu à peu en résonance, jusqu’à produire la transe ou la sérénité. Ces énergies ont un caractère séquentiel : ce sont des phases dont on ne peut s’empêcher d’imaginer ce qui les précède et les suit. Elles tirent un parti étonnant de la puissance évocatrice des couleurs. Si bien que leur immatérialité ne nous éloigne en rien de la réalité : elles nous font entrer au sein du processus de la nature telle que saisi par l’électrodynamique. Une toile de Caminade suffit à révéler les champs invisibles, à induire des différences de potentiels et à charger ainsi d’électricité tout l’espace autour d’elle.

    Parmi ses trouvailles, l’utilisation de la technique du dripping dans ses galactiques correspond à un autre approfondissement du regard entre les échelles. Caminade prouve qu’il est possible d’opérer un déphasage vers l’infiniment grand : sa peinture expérimente des prises de consciences cosmologiques ; elle étend notre perception aux échelles sidérales. Des forces insensées sont à l’œuvre dans les filaments de gaz où chaotiquement naissent les étoiles. Par superpositions et entrelacements, l’incommensurable fraternité des nébuleuses se révèle au regard qui se laisse prendre au vertige d’une ivresse cosmique. Le spectateur assiste au commencement des mondes, stupéfié devant ces images pareilles aux clichés des télescopes spatiaux en « fausses couleurs ». Car, pareil aux astrophysiciens, Caminade scrute avec ses instruments oniriques la réalité dans des fréquences situées au-delà du spectre de la lumière ordinaire. La profusion fabuleuse de ces couleurs réinventées se détache pourtant sur un fond d’obscurité intense. Le sortilège est lucide, presque douloureux. Ce n’est pas la rêverie douce de l’astronome, qui tire des lignes imaginaires entre les astres pour y figurer de fades constellations. C’est le déferlement sauvage de la puissance inassouvie de l’univers en rut, qui outrepasse toutes nos attentes, toutes les dimensions conventionnelles. Ardente et baveuse, la beauté caminadienne demeure aussi « convulsive » que chez les surréalistes, mais elle se révèle aussi, comme dans les œuvres classiques, sereine, surplombante, tant son dynamisme formidable réduit au néant l’agitation vaine des destinées trop individuelles. Oublions-nous, un instant ou l’éternité, pour profiter des vraies splendeurs, voici le message des astres proliférants.

    Comparés aux vaines tentatives d’imiter les toiles de Rothko, les équilibres (tensions) représente une véritable invention. Il suffit de les contempler pour être pris dans un vertige immobile. Chaque aplat se met à trembler à sa place et invite à méditer les relations virtuelles qui se déploie sur la blancheur insoumise du reste de la toile. Ces effets de champ sont à méditer. Le transfert de l’émotion esthétique suppose toujours chez Caminade une subversion des formes conventionnelles de son support : l’image brise son isolement en même temps que le cadre censé la retenir. L’art ne se coule pas dans le moule. Il ne peut se comprendre selon le schéma classique de l’hylémorphisme, celui d’une matière à laquelle on impose une forme. La beauté des équilibres relève au contraire d’une intimité sauvage avec l’information spontanée de la couleur et des contrastes. C’est en cela que sa vision se rapproche de la physique la plus contemporaine : elle cherche la profondeur ailleurs que dans la tridimensionnalité des objets ordinaires. Elle la trouve ici dans la sobriété des motifs et la complexité des relations invisibles comme elle y parvenait dans l’approfondissement des échelles de la matière ou dans la saisie de la fugacité des processus temporels. Si les peintres de la perspective ont voulu saisir la forme spatiotemporelle des choses, si Cézanne a brisé l’objet et que les cubistes l’ont recollé, Caminade, notre contemporain, saisit la préindividualité de la nature. Il n’y a plus chez lui de réduction à une échelle fondamentale qui donnerait la vérité de toutes les autres, mais au contraire une insistance sur le grain de la représentation, sur l’approximation du trait. Il n’y a plus non plus le fantasme d’une grille unique d’analyse, mais le recours à la pluralité des techniques pour déployer une esthétique de la transformation et de l’entre-deux.

    Fidèle à l’ouverture, Caminade s’oriente, avec ses variations sur les motifs, vers un constructivisme lumineux, qui examine les ressources des agencements de surfaces et d’espaces sans refermer le spectre de ses dons illuministes. La descente dans l’élémentaire, minéral ou lumineux, ne casse pas l’harmonie fluctuante et giratoire de ses autres recherches. Elle décèle, comme dans les équilibres, le mouvement qui anime la structure, et la puissance de ces compositions tient justement à ce qu’aucune ne peut se comprendre comme une retombée, comme simple inertie ou donnée statique. Le regard contemple une danse immobile, un effort de concentration, une équation dont les variables sont toujours prêtes à se transposer en d’autres formules savantes. L’élément est primordial, concret et secrètement dynamique, il est l’étoffe de nos pensées. Les œuvres picturales de Caminade se déploient ainsi toujours dans la polarité irréductible entre l’abstraction et la figuration dont elles retiennent la tension féconde. Les plus abstraites demeurent toujours suggestives, tendues vers l’émergence de figures incertaines, prises dans l’équilibre métastable transitoire de structures dissipatives. Les plus figuratives, telles que les portraits et scènes, témoignent d’un effort de stylisation révélant des forces sous-jacentes, des potentiels énergétiques, des relations ou des séparations invisibles entre les êtres qui donnent à sa peinture une portée psychosociologique troublante. De visages fantomatiques en silhouettes animales dépouillées, de flottements dépressifs en éblouissements sexuels, le corps est aussi une matière abstraite et une posture tendue vers le geste futur qui alimente la quête philosophale de l’âme. La lumière vient de l’intérieure, et comme l’on ne peut rayonner en soi sans s’exposer à l’illumination globale venue des autres êtres, chaque dessin figuratif de Caminade, aussi brut et parfois torturé qu’il soit, m’a toujours touché comme une proposition presque indécente de voir la beauté et la cruauté du monde, comme l’absence de résignation. Sans feindre ni affadir, soudaines et envoutantes, les images de Germain Caminade s’offrent à nos regard comme autant d’exercice d’accommodation du regard pour appréhender, au-delà des apparences et des compromissions, la transition des échelles, la relativité du mouvement et du repos, l’individuation des êtres et, surtout, les relations qui les unissent. Sa recherche intempestive s’enracine à la divergence des imaginations vives et se risque à la confluence des mondes dans toute sa richesse périlleuse.

    Vincent Bontems (ENS/CEA) :
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    • 1 - Robert Mitchum et Xavier Martin
      Robert Mitchum et Xavier Martin
    • 2 - Robert Mitchum, caravane
      Robert Mitchum, caravane
    C’est à Londres ou il tournait que je tentais ma chance pour le photographier. Après l’avoir interpellé le matin de très bonne heure sur le trottoir à la sortie de son hôtel, les cheveux encore humide de la douche qu’il venait de prendre, je lui demandais un rendez vous. Il me répondit:  "Savez-vous combien de journalistes attendent, certains depuis plus de cinq ans ? Pourquoi vous en accorderai-je un ?" Je répondis : "Parce que je suis là, venu exprès de Paris, j'irai très vite". Il me regarda, sembla réfléchir et me dit : "Suis moi" sans plus de détail... Je suivis sa voiture à travers tout Londres, manquant de le perdre plusieurs fois. Finalement arrivé à l’entrée des studios je passais la barrière, ma voiture collée à la sienne sans même que le gardien ait le temps de la refermer. Nous arrivament sur les lieux du tournage ou une trentaine de personnes l’attendaient. Je restais à quelques mètres pour le laisser saluer l’équipe. Tous semblaient joyeux. Soudain je vis ces trentes têtes se retourner vers moi l’air inamical. Il sortit du groupe et vint vers moi le visage fermé, me lançant : "délicate situation". Je me dis, cette fois je suis viré. Mais aussitôt il me lanca:  "tu peux rester". Cette photo je l'ai faite lors d'une pose entre deux prises. Il se montra en fait très coopératif. En partant je le remerciais. Il me répondit avec un petit sourire: "any time" !
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    Thème : Photographie
    • 1 - Serge et Rostropovitch, Paris Match 6 Juin 1980
      Serge et Rostropovitch, Paris Match 6 Juin 1980
    • 2 - Serge
      Serge
    C'est à l’initiative de Serge Gainsbourg que cette photo s’est faite. Alors que je retrouvais mon agent au bar d’un club du tout Paris des années 80, Serge, qui savait que je collaborais pour le journal Paris Match, l’ayant photographié et fait passer en pleine page trois mois avant en compagnie de Mstislav Rostropovitch, nous interpella: “Hé les gars! qu’est ce qu’il faut que je fasse pour passer dans votre canard ?”. Je répondis en lui proposant l’éternel et incontournable reportage : "en famille, à la maison, avec Jane et les enfants". Serge me répliqua: "non, sans Jane, sans les enfants". Ce à quoi je lui fais remarquer: "Seul tu passes pas ou alors il faut trouver une idée béton". Après avoir énuméré quelques âneries du style "j’épouse telle princesse…", on en vint à la baignoire... Serge réfléchit, amusé, puis dit: "D'accord, à 15 heures demain à la maison" et ajouta "comme ça on arrêtera de dire que je suis dégueulasse."

    Le lendemain nous arrivâmes rue de Verneuil bien à l’heure. Serge ouvrit et immédiatement me montra la salle de bain. Je préparais la lumière puis fit couler le bain, mis le produit pour avoir une mousse bien généreuse. Une fois terminé, je sortis, il se mit dans la baignoire et m'appela. Je rentrais. Nos regards se croisèrent. On ne pu s’empêcher de rire. Il était à l’aise et la séance l'amusa beaucoup. Après, nous fîmes d’autres photos pour compléter le reportage. Puis il m’invita à boire un verre au salon situé sous la salle de bain. Alors que nous plaisantions, on entendit le bruit caractéristique de l'eau qui tombe "floc floc"... Serge leva la tête et voyant des grosses gouttes d’eau perler du plafond s’écria "Merde ! La fuite de la baignoire n'a toujours pas été réparée, ça fait pourtant un mois que j’ai appelé le plombier."

    Alors qu'à l’époque ce reportage était pratiquement passé inaperçu, je crois que de toutes les photos que j’ai faites, c’est l’une de celle dont on me parle le plus.
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    Thème : Photographie
    • 1 - Jodie Foster et le tee-shirt de Story
      Jodie Foster et le tee-shirt de Story
    • 2 - Jodie Foster et Xavier Martin
      Jodie Foster et Xavier Martin
    • 3 - Jodie Foster, la photo
      Jodie Foster, la photo
    A l’époque, je n’étais pas bien vieux. Quand à Jodie, elle avait quinze ans mais était déja célébre. Elle venait de tourner Bugsy Malone et Taxi Driver. Story, un journal Belge, avait passé commande pour une interview + photos. Je l’avais donc retrouvée à Paris sur un tournage près de l’avenue Foch. En plus du reportage, Story donnait un T-shirt blanc avec l’inscription du journal. Lors des rencontres, si j’arrivais à le faire mettre, j’avais droit à un supplément financier. Jodie n’avais pas voulu le mettre. En revanche elle l’avait tenu devant elle ce qui avait quand même suffit pour avoir la fameuse prime. Le soir, mon agent l’avait invitée chez Castel, sa mère lui avait accordé une permission de minuit...
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    Thème : Photographie
  • Iggy Pop, Paris, mars 2009

    Il y a 12 ans

    / Making of

    Iggy Pop, Paris, mars 2009
    Xavier Martin : Bonjour Iggy, content de vous connaître et de faire cette séance avec vous, avez-vous amené votre chien ?
    Iggy Pop : Non
    XM. : Dommage, j'aurai bien aimé faire une photo avec lui.
    Iggy : J'ai deux chiens et trois chats.
    XM. : Hum, comment trouvez-vous Paris?
    Iggy: J'aime beaucoup la France, j'ai passé la nuit avec une femme magnifique...

    C'est par cet échange que nous avons commencé. Instantanément il a pris possession de l'espace sur le fond blanc du studio. Sa fantaisie et sa générosité d'artiste ont fait le reste. Nous avons fait les photos sans musique. De temps à autre je donnais quelques indications. Très rapidement j'ai senti que j'avais pleins d'images. Une énergie, une concentration, une gentillesse : photographier Iggy, pas de problème, tous les jours !
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    Thème : Photographie
    • 1 - Voiture enlisée
      Voiture enlisée
    • 2 - Surfeurs
      Surfeurs
    • 3 - Demis Roussos et Xavier Martin
      Demis Roussos et Xavier Martin
    Cette photo fut faite sur la plage de Malibu à Los Angeles. Pour la réaliser, la voiture devait être au bord de la mer mais le sable la bloqua. Immédiatement les surfeurs vinrent à notre secours. On eut juste le temps de la réaliser avant le coucher du soleil....
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    Thème : Photographie
  • Mdiq 1

    Il y a 12 ans

    / BLOG

    Mdiq 1
    Passage hier par Mdiq, ville côtière marocaine située entre Ceuta et Tétouan dans le Nord.
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    Thème : Photographie
  • Vendredi à l'ombre des pyramides

    Il y a 12 ans

    / Aujourd'hui

    Vendredi à l'ombre des pyramides
    Thèmes : Dessin, Illustration
    • 1 - Xav et Gos
      Xav et Gos
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    Lorsqu’il a débarqué, il y a plus de 35 ans, dans mon bureau de Sipa Press près des Champs-Elysées, j’ai tout de suite compris que Xavier Martin était différent des autres photographes. C’était en 1972. Beau, poli et modeste, il me dit : « A l’âge de 12 ans, quand mon père m’a offert un Instamatic, j’ai commencé par photographier mes amis de l’Ecole Alsacienne, mes sœurs, ma famille, la bonne et… mon chien. » Dix ans plus tard, il commençait sa vie professionnelle avec pour seules armes, un Nikon sans moteur et trois objectifs : un 24, un 35 et un 105.

    D’abord paparazzi dans les années 70, il photographia Caroline et Stéphanie de Monaco avec lesquelles il noua une amitié aux respects réciproques. Christina Onassis, Jackie Kennedy-Onassis, Jack Nicholson suivront.

    Plus tard, devenu photographe indépendant, il réalisa les portraits exclusifs de personnalités exigeantes telles que Serge Gainsbourg (la Fnac vendit dix mille portraits du « Chanteur dans sa baignoire » : un record !). Ce furent encore, avec leur complicité, des portraits de Jodie Foster, Selma Hayek, Robert Mitchum, David Hockney… Les « People » ont vite accepté de poser pour ce « friendly French photographer ». Sa méthode : approcher son sujet puis parler, et encore parler avec lui. Avec le temps, il créa son propre réseau et mit lui-même en scène les célébrités du monde entier dans son studio parisien.

    Une grande agence offrant tant d’avantages pratiques qu’il est difficile, et surtout rare, d’être photographe à succès tout en gardant son indépendance. Cela exige un œil vif et une grande rapidité d’exécution, mais encore un art de converser avec des personnalités de tous horizons, convoitées et sur-sollicitées. Bref, le photographe doit posséder, en plus d’une technique pointue, une culture sans failles.

    Les photographies de cette exposition, prises il y a une trentaine d’années, sont toujours vibrantes d’émotions et surtout extraordinairement contemporaines. Phénomène de son époque, Xavier Martin a toujours su garder l’essentiel : son naturel et son innocence.

    Je suis heureux que cet « artisan de l’art » soit découvert par un large public, dans sa ville natale, à l’occasion de cette première grande exposition. Heureux surtout que ses photographies, rassemblées par la galerie Basia Embiricos, offrent l’opportunité à tous de les admirer.

    Goksin Sipahioglu à Basia Embiricos
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    Thème : Photographie