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  • Luc Desbenoit, Photographies 1999-2012 Corinne Mercadier, Telerama 30.01 2013

    Luc Desbenoit - Telerama n° 3290 
    Elle a dû abandonner son Polaroid. Mais l'exploration du numérique a révélé des pans insoupçonnés de son paysage mental. Sa dernière série irradie.   Depuis ses débuts, Corinne Mercadier (née en 1955) pratique la photographie comme une aventure. On serait tenté de dire comme une dérive, en se laissant guider par ce qu'il y a de plus singulier en elle. Etudiante en histoire de l'art à Aix-en-Provence, elle commence par prendre une fontaine, toujours la même, pendant deux ans avec un appareil Polaroid SX-70. Les clichés lui servent de modèles pour ses dessins, mais, peu à peu, elle succombe au charme de ces petits carrés se révélant de façon magique sous ses yeux. Un Polaroid embellit le réel, le simplifie, tire l'image vers l'abstraction, vers l'introspection. L'artiste commence par des paysages, puis compose ses premières fictions avec sa fille, sa mère, en les prenant au Leica avant de rephotographier le cliché avec son SX-70 pour déréaliser la scène. Ce procédé traduit parfaitement ses émotions, ses peurs, ses angoisses. Au fil des ans et de ses différents travaux (1999 à 2012), exposés à l'Arsenal de Metz, on retrouve des personnages énigmatiques, parfois de dos, tournés vers un horizon noir. Les scènes se déroulent en plein air dans des lieux indécis, cadrés frontalement de telle façon qu'on dirait une scène de théâtre. Les objets sont animés d'une vie propre. Des livres, des vêtements volent, des rubans ou des structures en tissu s'entortillent dans l'espace sans que cela paraisse incongru. Ses grands tirages rectangulaires aux couleurs pâles, ou en noir et blanc, semblent mystérieusement se dissiper sous nos yeux. Cette agrégée d'arts plastiques parvient ainsi à décrire le fonctionnement de son univers mental, la peur de la perte et aussi le besoin de se projeter dans l'avenir avec l'espoir de mieux le maîtriser.   Avec la fin de production des pellicules Polaroid en 2008, Corinne Mercadier pense qu'elle va arrêter la photographie. Elle explore alors les possibilités du numérique, obtient les mêmes effets, et d'autres insoupçonnés — comme ceux d'objets irradiants dans sa dernière série, « Black Screen ». Sa plus belle découverte fut sans doute de réaliser que ce n'était pas la chimie du Polaroid qui donnait du magnétisme à ses photos, mais son imaginaire.    
    Jusqu'au 10 mars, Arsenal, Metz (57) | Tél. : 03 87 74 16 16. Voir aussi sa récente série « Solo », musée de l'Image, Epinal (88). Tél. : 03 29 81 48 30.
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    Thème : Photographie
  • LE TEMPS PROFOND DE CORINNE MERCADIER, par Jean-Baptiste Para, in Europe n°1005-1006, janvier-février 2013

    « Ce qui demeure décisif en photographie, c’est toujours la relation du photographe à sa technique », remarquait Walter Benjamin dans sa Petite histoire de la photographie. En 2008, l’arrêt de la fabrication de la pellicule Polaroid SX70 a bouleversé le travail de Corinne Mercadier, l’obligeant à considérer la possibilité même d’en reconstituer l’horizon avec des outils numériques. Ce que l’on entend ici par horizon, c’est d’abord l’espace mental et sensible où se déploie une recherche, où prend forme une poétique de l’image. Depuis une quinzaine d’années, Corinne Mercadier avait mis au point des procédures techniques visant à établir une hospitalité de l’image à l’égard du temps. Après une prise de vue au Leica, l’image première était nouvellement photographiée au Polaroid puis agrandie. Ce travail par strates, en modifiant la définition de l’image, son grain et son contraste, sa lumière et ses couleurs, faisait sourdre une épaisseur temporelle fascinante. Sous la surface plane, une profondeur mémorielle semblait attiser l’énigme d’une autre dimension. En outre, dans les séries que l’on pouvait voir au fil des années et des expositions, chaque image se prêtait à être perçue comme le photogramme d’un film absent, ou du moins éveillait-elle en nous cette impression, comme si elle faisait allusion à quelque chose qui eût été à la fois sauvé et perdu. Nous en venions à penser que, sous cet aspect, toute l’œuvre de Corinne Mercadier aurait pu se situer sous la lointaine étoile du Pré de Béjine.
    Mais avant comme après le passage au numérique, voici ce qui nous retient aussi dans l’art de Corinne Mercadier. Le silence de ses photographies se communique à l’œil de façon presque palpable. Il se dépose en très douce et très légère pulvérulence et si nous cherchons alors à mettre des mots sur ce qui s’émeut en nous, c’est pour confusément tenter de dire un entrelacs d’espace et de temps, une apparition simultanée du plus proche et du plus lointain. On en vient à se demander si les photographies de Corinne Mercadier ne pourraient pas être considérées comme des équivalents ou peut-être même des allégories de la mémoire involontaire. Dans son « Petit discours sur Proust », Walter Benjamin avait mis en lumière l’apparent paradoxe de cette mémoire-là : « Ses images ne viennent pas seulement sans avoir été appelées, il s’agit d’images que nous n’avons jamais vues avant de nous souvenir d’elles. » Il y a assurément quelque chose d’homologue dans les photographies de Corinne Mercadier et dans l’usage qu’elle aura fait des impondérables du Polaroid. C’est à ce point de la réflexion qu’il importe de signaler l’heureuse dimension d’utopie qui s’attache à son travail, car les énergies de la mémoire connaissent ici un retournement décisif : loin d’être maintenues dans l’attraction de la nostalgie, elles sont réorientées vers l’inconnu et le devenir. « Hier n’est pas encore venu », disait Mandelstam. L’œuvre de Corinne Mercadier est de celles qui éclairent d’un sens lumineux cette maxime insondable.
    Plusieurs expositions récentes, dont deux restent visibles jusqu’en mars à Épinal et à Metz, auront permis de concilier des parcours rétrospectifs et la découverte des séries Solo et Black Screen, l’une et l’autre postérieures au passage au numérique. Ce passage fut en vérité ressenti comme une rupture assez violente. Il fallut traverser une zone d’incertitudes perturbatrices, ne pas perdre son âme en l’acclimatant à de nouveaux outils, tamiser le désarroi pour recueillir l’aubaine d’explorations imprévues. Les séries Solo et Black Screen sont construites respectivement dans un espace extérieur et dans un espace intérieur. Dans les deux cas, on assiste à une sorte de récitatif visuel, à l’équivalent optique d’un chant où s’accordent et contrastent des clartés lunaires et des aplats d’ombre dense.
    Dans Solo, contrairement au monde désert de Black Screen, des présences humaines apparaissent. Sur le rivage sableux de ce qu’on imagine être un ancien marais, ou dans un labyrinthe de pierres que l’on dirait remployées d’un théâtre antique, les personnages sont le plus souvent vus de dos. « Que devient le lien avec l’autre quand vous le voyez de dos ? », s’était naguère demandé Corinne Mercadier en réalisant la série Longue distance (2005-2007). Ses photos abritent des questions inépuisables. Et même quand apparaissent des visages, préférablement de profil, toute velléité de lecture psychologique est par avance asséchée. Ce sont d’autres vibrations de sens qui se font jour dans cet univers où les charbonnements intenses et les clartés irradiantes nous exposent à ce qui n’est ni le jour ni la nuit, ni l’esseulement ni la communauté, ni le passé ni ne présent, mais la possible scénographie de leur rencontre qui prend l’aspect d’une danse astrale, puisque tout nous invite à faire mentalement tourner en orbite ces éléments les uns autour des autres. C’est ce que matérialise dans certaines photos l’irruption de sphères ou d’objets donnant concrétude à de pures formes géométriques et qui sont tous immobilisés dans leur gravitation ou leur chute, comme en état d’apesanteur. Pour des séries photographiques antérieures, Corinne Mercadier avait construit des « objets à faire voler », des polyèdres d’organza et de crin, de grands cercles d’étoffe légère que le vent ou le geste humain mettaient en mouvement. Elle renouvelle dans Solo son interrogation sur les échanges métaboliques entre la fixité — poussée jusqu’au hiératisme le plus lapidaire — et le mouvement.
    Les photos de Black Screen nous introduisent dans ce qui ressemble à une maison abandonnée, désertée depuis longtemps par la présence humaine. On dirait les radiographies étranges d’une demeure où quelques objets rémanents — des assiettes en porcelaine blanche, le squelette d’un lit pliant, un canoë en fibre de verre, le battant d’une porte — sont cernés par le vide et la nuit. On est profondément troublé par l’irrémissible lumière qui semble émaner de l’intérieur même de ces objets, comme si ces images allégorisaient l’unique halo de clarté que font en nous les êtres aimés qui ne sont plus.
    Corinne Mercadier ne photographie pas le monde immédiat et rien ne lui est plus étranger que le style documentaire. Elle n’invente pas non plus un univers parallèle. C’est bien dans notre monde qu’elle intervient. Si son travail n’est pas sans incidence politique, c’est dans la mesure où il manifeste une absolue dissidence à l’égard de la tyrannie du temps court qui tend à imposer ses normes à notre société. Une lutte des temps est désormais engagée et la question de l’art devient indissociable de cette chronomachie.

    Jean-Baptiste PARA

    Dans le cadre du Mois de la Photo, en novembre 2012, les séries Solo et Black Screen ont été exposées à la galerie Les Filles du Calvaire (Paris), au moment où la Maison d’Art Bernard Anthonioz (Nogent-sur-Marne) accueillait Le Grain du temps, parcours rétrospectif 1992-2012. Deux expositions sont en cours actuellement : Selon le mystère des choses, Musée de l’Image, Épinal, jusqu’au 15 mars 2013, et Corinne Mercadier, Arsenal, Metz, jusqu’au 10 mars 2013. Les séries Solo et Black Screen sont reproduites dans un livre préfacé par Charles-Arthur Boyer : Devant un champ obscur, Éditions Filigranes, 2012. On pourra visiter le site de l’artiste : http://www.corinnemercadier.com/
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    Thème : Photographie
  • Europe, janvier-février 2013 n°1005-1006

    Par Jean-Baptiste Para
    Chroniques, les arts, page 340

    Le temps profond de Corinne Mercadier
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    Thème : Photographie
  • Abdellah Karroum
    Portrait d'Abdellah Karroum, Chercheur et curator indépendant, Paris, septembre 2012
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    Thème : Photographie
  • Nez rouges, blouses blanches

    Il y a 12 ans

    / Photo / Séries

    • 1 - Nez rouges, blouses blanches 02
      Nez rouges, blouses blanches 02
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      Nez rouges, blouses blanches 03
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      Nez rouges, blouses blanches
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  • Résidence Verdun

    Il y a 12 ans

    / Actus

    Résidence Verdun
    En octobre, novembre et décembre 2012,

    la Direction du Livre de la DRAC Lorraine,
    avec le soutien du Centre National du Livre,

    viennent de confier une résidence d’artiste à Jacques Grison,
    devant Verdun,

    portée par la Direction de la Bibliothèque Départementale de la Meuse,
    avec le concours de l’association Expressions.

    Point de départ de ce 3ème volet de son travail photographique sur sa terre natale qui lui permettra de continuer à interroger ce territoire meurtri et les empreintes qu’il impose à ses habitants 100 ans après la première Guerre Mondiale.
    Temps posé pour expérimenter aussi une nouvelle approche formelle.

    Jacques Grison donnera quatre conférences de décembre 2012 à janvier 2013, occasion pour lui,  d’aller à la rencontre de la population et de faire partager son projet.
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  • 6ème édition de "Chaud les marrons" !
    Jacques Grison est invité pour conduire le Workshop

    Des photographies au révélateur

    à destination des étudiants des écoles supérieures d’art ENSA Nancy et ESAL Lorraine,

    avec projection en continu des travaux réalisés durant toute la manifestation.
    Avec la complicité de Claire Chevalier (graphiste) et Philippe Poirot (plasticien)

    les 28, 29 et 30 novembre 2012

    à la maison Lillebonne, 14 rue du Cheval Blanc à Nancy
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  • Ce que l’art apporte à la médecine
    A l’occasion de son 20ème anniversaire,

    La Fondation Recherche et Formation pour l’Enseignement du Malade
    organise une journée de projections et débats sur les relations 
entre la démarche artistique et la médecine.
    Dans le cadre de cet événement, le professeur Jean-Philippe Assal, Président,
    invite l’association Le Rire Médecin
    et Jacques Grison

    qui exposera son travail photographique Nez rouges, blouses blanches
    du 3 au 18 décembre 2012

    et donnera une conférence

    Ce que la photographie fait à l’hôpital
    de l’effraction aux gratifications

    Lundi 3 décembre 2012 à 19 h

    Maison des Arts du Grütli - salle Michel Simon - 16, rue du Général-Dufour – 1204 Genève
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  • Nez rouges, blouses blanches
    Du 21 au 28 juin 2012
    L’agence DDB Share expose :

    Nez rouges, blouses blanches
    Photographies de Jacques Grison

    55, rue d'amsterdam - 75008 Paris – 10h à 18h du lundi au vendredi
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  • Claire Faÿ

    Claire Faÿ

    Graphiste, dessinatrice

    www.clairefay.net

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    À l’occasion du Salon du livre de Paris 2011 et de la parution des Textopolitains d'Anne Cazaubon, Les Éditions Casterman avec la collection "CAUSE TOUJOURS", le Salon du livre Paris et la RATP s’associent et réalisent un carnet de Textopolitains spécial Salon du livre.
    10 messages autour de la lecture à glisser à vos voisins de strapontin… plongés dans un bouquin!
    Ces carnets imprimés à 50 000 ex. de messages inédits ont été donnés par des acteurs et des agents de la RATP sur les transports en commun qui mènent au Salon du livre. Bien entendu, ces messages sont aussi passés dans les allées du Salon du livre Paris, véritable lieu de promiscuité subie devenu un grand terrain de jeu!

    Thème : Graphisme