Danica Phelps tient ses comptes quoi qu’il arrive. Ce protocole, aride et disciplinaire, semble interroger, voire refuser, la division de l’art et de la vie, du travail et du plaisir. En confrontant deux écritures, celle, sensuelle et légère des dessins, et celle, comptable et fastidieuse (parfois déléguée à des assistants), de codes barres placés en bas de chaque dessin, Phelps touche un nerf sensible du marché de l’art qui en est aussi le levier : la confrontation entre valeur d’usage et valeur d’échange, circulation du désir et investissement.
La circulation de l’argent, son côté le plus poétique serait donc la matérialisation objective d’un flux vital. Danica Phelps fait d’ailleurs de ses acheteurs des maillons de son oeuvre. Elle consigne leur nom sur une seconde génération de dessins réalisée par un transfert sur papier de soie de chaque dessin vendu. Ces reproductions sont réalisées sur demande, et sans limitation du nombre. L’acheteur de seconde main est informé des ventes précédentes du dessin de son choix. Lieux et dates des transactions, identité des acheteurs informent chaque nouveau propriétaire du son pedigree ou de la généalogie de son acquisition. Leur prix est en revanche immuable et fixé par l’artiste en fonction de l’importance affective qu’elle leur accorde.
La subversion du travail de Danica Phelps ne repose pas tant sur l’étalage de sa vie intime et financière que sur une profonde remise en question des critères de valeur de l’art, sa démarche consistant à en analyser les moyens matériels d’existence et à en permettre les conditions.
Communiqué de presse de l'exposition à la galerie laurent mueller (5 juin - 18 juillet 2014)