Le caoutchouc est la matière première des objets oniriques de la sculpteuse au confluent du végétal et de l’industriel.
Réservée et l’œil rieur, Anne Claverie, artiste française née en 1974, a compris dès le début de sa formation à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris que pour que sa sculpture existe, il lui fallait trouver une idée visuellement forte. Elève du célèbre sculpteur gallois Richard Deacon, elle prend goût auprès de lui aux matières brutes et à sa façon de rendre visible les processus de fabrication. Le principe de son œuvre devient alors évident : récupérer, accumuler et transformer des matériaux industriels ou naturels. Dans un premier temps, elle découpe, forge, transperce des tubes de métal pour créer des installations in-situ. Commence ensuite une série d’œuvres avec des écorces de bouleau, notamment, « hybridation dans un parc », où l’artiste habille, avec beaucoup d’humour, un poteau électrique. Depuis quatre ans, son travail monothéiste est entré dans l’adoration du caoutchouc, devenu l’objet de sa fascination. Et lorsqu’Anne Claverie nous parle de ses œuvres, nous sommes face à une pneumaticienne. Le pneu, matériau d’apparence difficile, est dompté, comme anobli par celle qui voit dans ses stries une matière vivante, « une texture de peau ou les lignes d’une main ». Comme dans un codex, les rainures des pneus deviennent des écritures archaïques et des dessins dont elle choisit minutieusement les directions pour construire ses œuvres énigmatiques. Autour d’un chocolat chaud, elle admet timidement que les livres pour enfants sont une de ses sources d’inspiration pour les formes végétales et animales qu’elle y trouve. L’œuvre d’Anne Claverie interpelle et entraîne dans un monde onirique avec ces « otni » (objets terrestres non identifiés) de caoutchouc, peu traditionnels.
Olivia de Smet, CLES n°71 juin-juillet 2011.