Entre 2006 et 2009, sur invitation d’une association faisant partie du réseau « culture à l’hôpital », j’ai initié plusieurs ateliers photographiques hebdomadaires dans deux centres d’hébergement et de réinsertion du samusocial de Paris.
Chaque cycle d’atelier d’une durée d’environ deux mois, comprenait des séances hebdomadaires de trois heures. Quiconque le souhaitait pouvait y participer, autant le personnel soignant que les hébergés. Tous les participants possédaient un appareil photo (prêt à photographier argentique jetable de quarante poses) utilisable au quotidien, que chacun ramenait quand il était terminé pour que je le fasse développer, accompagné de tirages de lecture. Un nouvel appareil était dès lors mis à la disposition de la personne.
Lors des premières séances d’ateliers, je rendais les négatifs et les tirages à leurs auteurs mais je me suis très vite aperçue que les personnes ne savaient pas quoi faire des négatifs et avaient peur de les perdre ou de les abîmer. Nous avons alors convenu que je garderais les négatifs et que je rendrais systématiquement les tirages de lecture, du moins aux personnes qui le souhaitaient car nombreuses étaient celles qui préféraient également me les laisser ou n’en prendre que quelques unes qu’elles pouvaient emporter sur elles ou offrir à quelqu’un.
À l’issue de ces ateliers, je me suis retrouvée dépositaire de nombreux négatifs que je conserve jusqu’à maintenant et qui m’ont menée vers les enjeux de l’archive et du droit à l’image.
Quelle est ma responsabilité vis-à-vis de ces personnes et de leurs photographies ? Quel statut donner à ces milliers d’images et comment les partager, les rendre visibles, sans pour autant les « exposer » ?
Comment constituer une archive iconographique à partir de ces milliers de négatifs ? Quels classements, quelles descriptions en faire ? Quelle mémoire individuelle et collective en découlerait ? Quelle place pour le spectateur ?
En tant qu’artiste visuelle, quels usages puis-je faire de ces archives à travers la pratique de classements alternatifs, de relectures, de détournements ? Quels systèmes d’énonciations seraient alors à l’oeuvre ? Quelle « politique de l’archive » associer à ces images latentes, entre transparence et opacité ?
À partir de cette expérience collective d’atelier, de ces archives et des questions qui les accompagnent, j’ai décidé en 2015 de mener un travail de recherche artistique et théorique impliquant à la fois une nouvelle série d'ateliers, la possible réalisation d’une oeuvre visuelle et un travail d'écriture avec l'EHESS dans le cadre d'un mémoire de Master 2 de la spécialité "Arts et Langages".
> Plan du mémoire pour l'EHESS
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