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Empty Berlin 3 (2014)
Il y a 11 ans
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Deuxième série réalisée à la Gemäldegalerie de Berlin.
Thème : Photographie -
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Quand Jacques Grison nous a emmenés aux Éparges, où il était venu si souvent, à des moments différents de la journée, en toute saison pour prendre des photographies, je n’osais guère lui poser des questions de peur d’interrompre le vagabondage de son regard et de ses réflexions. Je me disais qu’il fallait une certaine puissance de l’obsession pour se laisser porter chaque fois par la naissance d’une atmosphère malgré la familiarité des lieux. Ce qui m’étonnait, c’était son attente discrète d’un effet d’étrangeté comme si la répétition coutumière de son retour le préparait à découvrir encore un je-ne-sais-quoi ou un presque rien[1]. Ce qui advient au détour du regard ou de la pensée. Je me disais aussi que dans l’obsession, ce qui est beau, c’est le manque à être qui la relance et non la ritournelle des manies.
Jacques Grison ne semblait pas dominé par sa propre obsession, ses innombrables retours sur les lieux avaient pris l’allure d’une quête abyssale d’indices. Il évoquait souvent un fait : la distance particulièrement réduite qui devait exister entre les poilus et les soldats allemands. Cette proximité devait rendre absolument irréfléchi l’acte de tuer. Dans le corps à corps, la question « c’est lui ou moi » n’a pas le temps d’être posée. Nous sommes allés jusqu’à la pointe de la côte des Éparges, deux ou trois jeunes personnes munies d’appareils photographiques sont arrivées, et, au loin, derrière nous, il y avait un groupe de personnes âgées avec leur guide. D’un côté le tourisme de guerre, de l’autre, des gens qui cherchaient sans doute à vivre leurs impressions à l’aide d’un viseur – je veux dire par là qu’ils redoublaient les possibilités de posture de l’œil. Je pensais qu’ils ne prenaient pas seulement des photographies mais qu’ils se donnaient aussi une chance de voir autrement les lieux, comme si leur instrument de vision était en mesure de leur révéler ce qu’ils ne voyaient pas. Sur ces territoires de la Grande Guerre, l’usage de l’appareil photographique exacerbe la relation entre le visible et l’invisible – ce qui perturbe l’ordre des mémoires par l’incursion de l’instant présent du cliché.
Henri-Pierre Jeudy
[1] - Vladimir Jankélévitch
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Imaginaire contemporain de la Grande Guerre,
Henri-Pierre Jeudy et Maria Claudia Galera,
Editions Châtelet-Voltaire, 2013
16 photographies de Jacques Grison -
Née en 1977, je défends un art oral et vivant.
Poétesse, chanteuse, taromancienne, performeuse, diplômée avec mention de Lettres Modernes à l'Université Paris Denis Diderot, activiste de la scène française de poésie, passionnée par la voix, j'écris pour être dite, vibrée, susurrée, soufflée, chantée. Je milite à réhabiliter l'écoute de l'urgence poétique, qui est en chacun de nous. Je mets en scène des lectures de poésie, concerts de littérature, spectacles ou drames radiophoniques. J'anime aussi des ateliers de voix* et d'écriture. Chaque vendredi, je lis les tarots. Un samedi sur deux, je reçois des poètes et des musiciens à l'Hôtel Paradoxe, une émission de radio dédiée à la poésie et à la création sonore sur Radio Libertaire 89.4FM en île de France ou www.hotelparadoxe.net.
J'explore les chemins de la voix depuis dix ans, en tant que performeuse, au cours de mes voyages (Inde, Asie, Balkans, Europe Méditerranéenne), et auprès d'enseignants en technique vocale (ROY HART CENTER, chant lyrique, diphonique, voix saturées, doublage, radio). Mais c'est ma rencontre avec Christophe Boyer, chanteur et art-thérapeute qui m'ouvre la voie du chant spontané en janvier 2014. Aujourd'hui toujours en recherche au sein du LABO*, espace d'enseignement animé par lui et consacré à la pédagogie du chant spontané : www.lechantdelavie.com/reliances/
Longue vie à l'urgence poétique ! Gloire à nos paradoxes !
Aurore Laloy / Service des Urgences Poétiques
Thèmes : Conceptuel, Photographie -
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1 - Maroc 16
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« Un jour, je me retrouve face au Maroc, pas seulement pour quelques jours ou quelques mois, mais au moins pour une année. Naît alors ce que j’appellerais une autobiographie en images, le reflet des paysages et gens que je rencontre. Dépourvu d’exotisme, cette autobiographie s’apparente à un souffle, un temps en suspens dans mon quotidien que je retranscris en photographie. »
Thème : Photographie -
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Thème : Photographie
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Calysse
Il y a 11 ans
/ BLOG JOURNAL VOYAGES MOIRS EXORCILS ET POEMSONGS PORTRAITS HORSLADORS / poèmsongs
Vous pouvez choisir de lire le texte ou de l'écouter les yeux fermés, je vous le lis accompagnée par Automne Lajeat au violoncelle, hop cliquez sur le lien ici
Je suce des petits calissons
Des calissons en forme de poisson
Pour nourrir mon petit chagrin
Je suce des petits calissons
Des calissons en forme de poisson
Pour l’empêcher de pleurer
Mon petit chagrin
Parce qu’il a faim
Mon petit chagrin, il a faim
A force de boire le calice
Qu’il boit jusqu’à la lie le calice
Jusqu’au fond du creux de la brèche du ravin
Où mes humiliations se nichent
Mon petit chagrin
Mon petit chagrin obèse et chuintant
Mon petit chagrin qui a faim
Alors je tasse je tasse
Je tasse bien au fond
Les petites confiseries pour mon petit chagrin
Les petits calissons
Les petits calissons
Faits de poudre d’amande et de confit de melon
Les petits calissons cuits à feu doux
Et en forme de poisson
Mon petit chagrin obèse et lent
Continue de pleurer au dedans
Je lêche et je suce et je tasse
Pour faire passer les avanies
De mon petit chagrin
Mais rien ne le fait taire
Pas même les petits calissons
Les calissons en forme de poisson
Alors je forme une petit boule
Et je roule au dedans
Je descends dans le ravin de mes peines
Pour lui faire un câlin au petit chagrin
Je roule et je roule et je cherche et je cherche
Mais je ne trouve pas mon petit chagrin
Je ne tombe que sur ma petit agonie
Elle fait peur ma petite agonie
Elle ne veut pas qu’on la console ma petite agonie
Elle ne veut ni qu’on lui caresse les cheveux
Ni qu’on la prenne dans les bras
Elle entend vivre de son propre mouvement ma petite agonie
Elle continue son chemin dans les replis ma petite agonie
J’essaye de la suivre plus profond ma petite agonie
Elle m’entraîne plus loin dans l’abîme de la vexation ma petite agonie
Dans les sillons sanglants ma petite agonie
Des tranchées dans la chair ma petite agonie
De chaque côté des tranchées dans la chair
Des soldats portant des casques se lancent des grenades
Ma petite agonie avance menaçante
Mais ma petite agonie marche sur des obus et explose
En lambeaux ma petite agonie
En morceaux
Ma petite agonie tapisse le couloir
De mes ambitions massacrées et de mes envies tuées dans l’œuf
Avant même d’être née
Je continue d’avancer seule
Dans les profondeurs abyssales de ma non-naissance
Et je pioche je pioche pour récupérer les morceaux de mon destin
Je pioche ma pioche en guise de sceptre
Et une lampe frontale en guise de diadème
Je suis l’infante défunte
Je suis la reine au calisson en forme de poisson dans la bouche
Morte avant d’être née
La reine avortée
En mille morceaux
Mes mille morceaux de petites boules
Au goût de calissons en forme de poisson
Dévalent dans les plis de mon inaccompli
Déboulent dans les entrailles de mes origines
Mes mille morceaux et moi
On descend plus profond dans l’ombilic
On se met à fouiller dans les plis
A chercher partout à quel moment je suis née
Par quel trou
On se salit les doigts dans toutes les entailles
Toutes les failles
On y met les mains les bras la tête : “Qui suis je ? Où est mon cordon ?”
Les questions résonnent en écho dans les couloirs
Et se collent aux parois
On continue à glisser mes mille morceaux et moi
Le long du couloir matriciel
J’entends tous mes flics
Toutes mes voix intérieures
Qui se mettent à gueuler
Et à produire la loi
Celle qui interdit
Celle qui réclame le respect
Qui veut qu’on se mette à plat ventre
A plat ventre
Mes mille morceaux et moi
On continue à fouiller dans chaque recoin
A palper chaque nodule
Chaque cellule malade
Ca crie et ca interdit partout
Les flics sont armés et nombreux
Mes mille morceaux et moi
On fore encore plus profond dans le tunnel
On explore chaque vagin, chaque cordon, on caresse
Chaque entaille, chaque cicatrice
On remonte le cours de chaque crevasse
Chaque névrose, on embrasse
Chaque mère
Chaque grand-mère
Chaque arrière grand-mère
Chaque arrière arrière grand-mère
Mes mille morceaux et moi on veut toutes
Les prendre dans mes bras
On veut les écouter, les comprendre
Et mes mille morceaux et moi
On veut surtout les soigner
Les soigner toutes ces femmes de ma matrice
Pour qu’elles arrêtent de gueuler
De faire la loi
Pour qu’enfin elles se reposent
Et s’assoient calmement pour discuter
Avec mes mille morceaux et moi
Je danse avec mes oncles morts
Et les jumeaux de mes frères morts-nés
Dans la boue sanglante des sillons de l’amour abyssal
De l’amour des mères sans fond
Je prends dans mes bras leurs ovaires fatigués
Je lèche leurs traumatismes
Je caresse leurs peurs tapies dans l’ombre
Et doucement, mes mères et moi, on se met à pleurer
Aurore Laloy, texte composé en fièvre dans la chambre d'Eléonore Lebidois, deux heures avant l'émission de radio "Hôtel Paradoxe" du 10 décembre 2011 avec Joujou, le groupe de poésie punk de Benjamin Colin & Agnès Pinaqui pour une thématique "Couloir(s)"Thèmes : Conceptuel, Photographie