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La Couleuvre est heureuse de vous inviter au vernissage de l'exposition personnelle de Margaret Dearing le vendredi 12 février 2016 de 18h à minuit.Dans la livrerie vous pourrez découvrir ou redécouvrir le travail d'Eric Provenchère.L'exposition sera visible jusqu'au 10 avril 2016.La Couleuvre est ouverte du vendredi au dimanche de 15h à 19h et se trouve au 15bis rue Parmentier à Saint-Ouen, métro Garibaldi.
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Margaret Dearing / Timothée Schelstraete
L’inachèvement comme forme
La photographie de Margaret Dearing, la peinture de Timothée Schelstraete sont affaire de détails, de ceux qui s’obtiennent par ponction d’une partie sur un plus vaste ensemble. De fait, les coupes sont franches. Comme dans ces all over de la série Délitement où les tirages argentiques prélèvent, à bords perdus, juste une fraction de motifs répétés – la structure en quinconce des bardeaux, l’enfilade de blocs de béton se prolongeant d’évidence au-delà de ce que l’image en rend. Quant aux toiles, leurs formats pourtant grands peinent chaque fois à contenir un objet dans son entièreté. Signum montre un reflet visiblement amputé dans sa partie basse, Pôle une grille dont les angles sont rognés par un cadre un brin trop rapproché. Et lorsque l’effet de zoom avant est encore appuyé, excluant tout contexte, comme dans Rétroactif : le très gros plan serre si près l’angle arrondi d’une pièce de carrosserie que la composition s’abstrait presque.
Etonnant, d’ailleurs, de voir comment Timothée Schelstraete et Margaret Dearing se rapprochent ainsi de leurs « sujets » sans céder au rendu d’une saisie naturaliste. Car si leurs cadrages cherchent la proximité ce n’est pas pour la précision, ni l’exactitude que ce point de vue confère, mais bien pour sursignifier l’acte de sélection qu’il implique : ce geste arbitraire qui vient détacher un morceau choisi du tout, et l’autonomise. Quitte à rendre plus ardue la perception de la chose représentée – ne la donner qu’incomplètement ou sans ce qui lui est extérieur, c’est assurément en compliquer les formes.
Margaret Dearing et Timothée Schelstraete cherchent ce cadre dont la section permet de briser l’automaticité de lecture, sans toutefois aller jusqu’à rendre leur objet méconnaissable. Ainsi soumis à une relative atopie, les infrastructures urbaines, les artefacts industriels, toutes ces occurrences des plus quotidiennes que l’un et l’autre représentent, procurent une impression persistante d’inquiétante familiarité. Une appréhension sourde, encore augmentée par l’omniprésence de traces d’érosion, de dégradation – l’oxydation ternissant systématiquement le rendu du métal sur les toiles, les photographies de dépôts, de surfaces marbrées de ruissellements douteux. Mieux, ce cliché du lacis d’une vitre brisée, à terre : en plus de l’espace, c’est ici le temps qui est envisagé de façon parcellaire. L’image est après-coup, l’évènement anonyme. L’effet, isolé, n’a pas de cause énoncée – ce qui, assurément, en renforce la violence.
Margaret Dearing et Timothée Schelstraete partagent donc une même inclination à travailler par extraction, par découpage, s’attachant à toujours rendre le caractère partiel de cette saisie. En suggérant la continuité vers un espace off ou, à l’opposé, en dissociant de façon drastique un seul élément du tout, chacun dit ce hors-champ, véritable procédé de mise en forme. Et jusque dans leur choix d’accrochage, lequel reprend en toute logique cette méthode de composition fragmentaire : sur le pourtour de la galerie les pièces s’étagent de part et d’autre d’une ligne à mi-hauteur du mur, délaissant exprès cette zone médiane sur laquelle le regard se pose de façon automatique, passive. Cette mise en espace amenant à considérer tableaux, photographies très en hauteur ou près du sol, oblige un certain inconfort ; d’autant que les angles de vue des œuvres – plongées, contre-plongées appuyées – s’en trouvent parfois contrariés, ce qui ajoute encore au trouble. Tout pour contrecarrer un ordonnancement systématique, l’enjeu de cette rencontre résidant, a contrario, dans la capacité que ces deux artistes ont de faire somme par divers modes de l’interruption.
Timothée Schelstraete et Margaret Dearing proposent à la Progress Gallery un ensemble répondant de ce qui, précisément, ne fait d’ordinaire pas ensemble. Ce qui leur permet d’échapper à toute linéarité : leurs œuvres ici réunies sont autant de fragments entre lesquels, de mur en mur, et sans hiérarchie aucune, des glissements de forme, de sens surviennent. Autant d’éléments qui, dès lors qu’on leur consacre l’attention flottante qu’ils requièrent, dialoguent, de proche en proche, par déplacement et association. Invitant donc à dérouler quelque séquence sans toutefois s’embarrasser d’un début ou d’une fin, sans chercher de climax, ni espérer de dénouement – en définitive, sans attacher d'importance particulière à un détail de préférence à un autre. Voilà ce que Margaret Dearing et Timothée Schelstraete mettent en œuvre dans cette exposition dont l’unité profonde, substantielle, repose sur la coexistence libre et égale des pièces qui la composent ; et c’est aussi la condition pour s’abandonner à cet inachèvement qui hante leurs images.
Marion Delage de Luget -
Au fil du temps
« Délitements », se défaire par couches, par feuilles, par temporalités, pourrait-on ajouter à propos du travail de Margaret Dearing. Son exposition se présente sous la forme élargie de séquences. Ce mot, séquence, mérite que l’on s’y attarde. Margaret Dearing le privilégie à celui plus traditionnel de « série » employé en photographie. Ce choix n’est pas anodin, il renvoie notamment à l’enchainement de plans cinématographiques, qui ont pu l’influencer, l’œuvre de Pelechian par exemple. « Délitement », « Fragment », « Ici », ont été à un moment donné des ensembles pensés comme des séquences. À la Couleuvre, celles-ci sont rassemblées pour en former une nouvelle. Cette manière d’agir témoigne de la volonté de mobilité propre à Margaret Dearing par rapport à son travail, sa recherche de cycle appelé à être sans cesse réactivé. L’idée de succession spécifique à la séquence apparaît de multiples manières, échos chromatiques ou formels. Tout repose sur les micro-transformations de matières, des montagnes nuageuses (fragment 4) aux reflets de nuages dans la vitre brisée (délitement 1), de l’ocre des marches (fragment 2) à celui des falaises (délitement 3). Nulle vocation documentaire dans ses photographies, le paysage lui-même, tel qu’il apparaissait auparavant dans son travail, s’estompe. Désormais, il s’agit, pour reprendre son expression, de s’attacher au « micro-monde » et au « maxi-monde ». La question de l’échelle est d’ailleurs essentielle. Les formats transforment le spectateur tantôt en Lilliputien tantôt en Gulliver. Associée aux cadrages généralement resserrés et au grain tout particulier des photographies, cette posture du spectateur l’oblige à déplacer son point de vue. Il reconnaît un motif, tout en perdant ses repères. Des éléments sont perceptibles, mais pas géographiquement identifiables, une falaise, un sol, un escalier… Les phénomènes d’écoulements, de dégradation des espaces du quotidien, prennent alors une autre dimension. Le paysage se transforme en fragile détail, les détails de coulures ou de stries se font paysages. À l’étage, le diaporama Ici pose une nouvelle fois la question du temps, celui du regard sur la photographie mais aussi celui du travail et de l’image. Cet ensemble regroupé en 2014 est réactivé sous une nouvelle forme, succession de parcelles urbaines dans lesquelles l’homme est là. Sa présence sur l’une des photographies s’incarne indirectement dans son action sur son environnement, espaces fantômes devenus chambres, morceaux de nourriture abandonnés, nature domestiquée… Délitement 10 se place en contrepoint de l’ensemble. Ce petit format intrigue, tout en contribuant à éclairer la vision actuelle de Margaret Dearing. Le paysage existe toujours, mais plus de façon traditionnelle, il est hors champ, il se transforme, il mute. « Délitement », « Fragment », « Ici », un constat se fait poésie et invitation au voyage d’une photographie à l’autre, une expérience par l’image.
Fanny Drugeon, février 2016 -
Suite à "concentré sans raison une seconde de trop # 1" le 30 mai dernier à Clovis XV, Bruxelles,PROGRESS GALLERY invite, dans le cadre de sa programmation DIALOGUES, Margaret Dearing et Timothée Schelstraete à poursuivre l'expérience de l' exposition commune. L’inachèvement comme forme,par Marion Delage de LugetMargaret Dearing et Timothée Schelstraete partagent une même inclination à travailler par extraction, par découpage, s’attachant à toujours rendre le caractère partiel de cette saisie. En suggérant la continuité vers un espace off ou, à l’opposé, en dissociant de façon drastique un seul élément du tout, chacun dit ce hors-champ, véritable procédé de mise en forme. Et jusque dans leur choix d’accrochage, lequel reprend en toute logique cette méthode de composition fragmentaire : sur le pourtour de la galerie les pièces s’étagent de part et d’autre d’une ligne à mi-hauteur du mur, délaissant exprès l’horizon, amenant à considérer tableaux, photographies très en hauteur ou près du sol, quitte à contrarier les angles de vue – plongées, contre-plongées appuyées – des œuvres. Tout pour contrecarrer un ordonnancement systématique ; l’enjeu de cette rencontre résidant, a contrario, dans la capacité que ces deux artistes ont de faire somme par divers modes de l’interruption. Tout pour échapper à une lecture linéaire, c’est aussi la condition pour s’abandonner à cet inachèvement qui hante leurs images.
Progress Gallery, 4 bis passage de la Fonderie, 75011 Paris, France -
Expositions Personnelles
2016
La Couleuvre, Saint-Ouen
2015
Ici, Progress Gallery, Paris
2012
Erosions, Hotel Elysées Mermoz, Paris
2011
Hors-champ, Carré Amelot, La Rochelle
Intervalle, Le Pavillon, Pantin
2008
Les habitants, Galerie du Haut-Pavé, Paris
Niveau 0, Galerie de l'Ecole Régionale des Beaux-Arts, Nantes
2007
Troposphère, Atelier 13 Festival des Transphotographiques, Valenciennes
Expositions Collectives
2015
Concentré sans raison une seconde de trop 2
Avec Timothée Schelstraete, Progress Gallery, Paris
Slick art fair, Paris
Projection des séléctionnés au prix QPN, Trempolino, Nantes
Concentré sans raison une seconde de trop
Avec Timothée Schelstraete, Clovis XV, Bruxelles
Festival Méta
Collaboration avec la photographe Hortense Soichet,
Galerie Laurent Mueller, Paris
2014
Le confort moderne, Clovis XV, Bruxelles
Points de coïncidences, Galerie Jeune Création, Paris
Nature, Galerie Lab Artyfact, Paris
Poppositions 2014, Dexia Art Center, Bruxelles
Espace, Galerie Lab Artyfact, Paris
Inaugurons avec faste un local à poisson rouge
Dans un appartement Parisien, Kurt-Forever, Paris
2013
Jeune Création, le 104, Paris
Masquer, Opération à cour ouverte, Culture à la ferme, Beauquesne
Habiter, Galerie Immix, Paris
Et pour matériau, les standards, La Permanence, Clermont-Ferrand
2012
Villes, ce sont des villes, Rencontres Photographiques, Solignac
2010
Mois off de la photographie, Galerie Episodique, Paris
Max, Atelier 13, Valenciennes
De rendez vous en rendez vous, Galerie du Haut Pavé, Paris
2009
Des lieux et des Hommes, en collaboration avec Elise Leclercq Bérimont
Regards sur les lieux de la psychiatrie en Flandres
E. P. S. M. Lille-Armentières et Psychiatrisch Centrum, Menin (Belgique)
De rendez vous en rendez vous, Galerie du Haut Pavé, Paris
2008
Voies Off, Arles
Margaret Dearing et Pleix films, Galerie Duplex, Toulouse
2007
Fallen, F/stop International Photography Festival, Leipzig
Urbanité 2, Aponia, Lieu d'art contemporain, Villiers sur Marne
Yokohama VDO collection 07, avec "est ce une bonne nouvelle"
Red Brick Warehouse, Yokohama
Bourses, résidences
2015
Aide à la première exposition en galerie du C.N.A.P.
2009
Des lieux et des Hommes, en collaboration avec Elise Leclercq Bérimont
Regards sur les lieux de la psychiatrie en Flandres
E. P. S. M. Lille-Armentières, Psychiatrisch Centrum, Menin (Belgique)
2008
"Au-delà du réel, photographie, film et architecture"
Post diplôme/programme de recherche
Ecole Régionale des beaux-arts de Nantes
2006
Munzstrasse #2 Résidence de trois mois (A.F.A.A., l'âge d'or), Berlin
2005
Munzstrasse Résidence d'un mois (A.F.A.A., l'âge d'or), Berlin
Publications
2015
artpress.com
Compte-rendu de l'exposition Ici, Progress Gallery par Etienne Hatt
2013
Jeune Création 2013, catalogue de l'exposition
Et pour matériau, les standards, catalogue de l'exposition
2012
Revue Archistorm, publication d'un portfolio
Kurt-Zine 05, édité par Kurt-Forever
2011
Kurt-Zine 03, édité par Kurt-Forever, présenté au 6b, Saint Denis
2008
F/stop Photography Festival, catalogue du festivall Margaret Dearing
Niveau O, catalogue de l'exposition
2006
Riches et Célèbres, catalogue de Jeune Création
Formation
Ecole Nationale Supérieure de la Photographie, Arles (2001-04)
Ecole Nationale Supérieure d'Arts de Paris-Cergy (1998-2001) -
Slick Art Fair, 10e Edition, avec la Progress Gallery du 21 au 25 octobre 2015
Il y a 8 ans
/ Actualités
Pont Alexandre III, Port des Champs-Elysées, 75008 Paris, France -
Projection des sélectionnés au prix QPN le samedi 10 octobre à partir de 14h30 à Trempolino Nantes
Il y a 8 ans
/ Actualités
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Margaret Dearing Ici
Progress Gallerydu 7 mars au 11 avril 2015
Créée fin 2013, la Progress Gallery invite des artistes plus qu’elle ne les représente. L’été dernier, une installation à quatre mains avait mêlé les détournements de magazines de mode du Polonais Przemek Matecki à des travaux de Pierre Ardouvin à partir de cartes postales. Margaret Dearing, active depuis une dizaine d’années, y expose actuellement une sélection serrée de photographies issues de séries réalisées depuis 2009. L’exposition est à l’image de ces travaux qui, conçus davantage comme des séquences, associent, avec de moins en moins de systématisme, vues urbaines et péri-urbaines sans qualité, paysages naturels parfois grandioses, intérieurs mutiques et figures humaines absorbées. Mais, mélangeant ici ses séries, Margaret Dearing varie sans doute plus que d’habitude les atmosphères. Une lumière neutre, nette et froide alterne avec des effets vaporeux ou un soleil qui se couche derrière les arbres. L’artiste joue aussi sur les échelles. Les gros plans de sols, de murs et d’escaliers et les premiers plans obstrués tranchent avec la vastitude d’un panorama montagneux ou d’un immense ciel nuageux. Elle renforce le trouble en refusant toute concordance entre point de vue et format. Un gros plan et un plan large peuvent être petits comme grands. Si plusieurs images rappellent la forte influence exercée par des artistes comme Valérie Jouve et, surtout, Christophe Bourguedieu sur les jeunes générations, l’exposition est convaincante. Rejetant toute unité de lieu et de temps mais envisageant ses photographies dans leur ensemble et leur succession, Margaret Dearing a recréé une séquence ouverte à de multiples interprétations. Il y est apparemment question d’appréhension et d’occupation de l’espace, mais, loin de toute volonté démonstrative, les images ont une telle qualité d’abstraction et de silence qu’Ici, titre de l’exposition, pourrait tout aussi bien être ailleurs.
Étienne Hatt -
Née en 1979, Margaret Dearing vit et travaille à Paris. Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy en 2001, puis de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie, à Arles, en 2004, elle compose des ensembles de photographies autour de questions liées à la notion de paysage – les relations formelles, temporelles entre les espaces construits ou naturels, les traces de l’entropie, la difficulté à habiter un lieu. Son travail de prise de vue et d’accrochage, sous-tendu par l’idée de traduire une étendue, un flux, un continuum, confère un caractère d’immuabilité, de pérennité à ces petits riens, ce quotidien a priori plutôt dérisoire et transitoire.
Marion Delage de Luget