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  • Marguerite Pilven

    Marguerite Pilven

    Critique d'Art, Commissaire d'exposition

    www.margueritepilven.net

    Anthony Caro

    Il y a 13 ans

    / Articles

    Anthony Caro
    Aujourd’hui âgé de 80 ans, l’anglais Anthony Caro est un acteur majeur du renouvellement de la sculpture moderne. Abandonnant très tôt la technique classique de moulage pour se tourner vers les propriétés de la matière brute, il développe depuis les années 1960 ses spécificités plastiques.

    L’ensemble des sculptures exposées frappe par leur diversité. Certaines sont très denses, privilégiant les effets de masse tandis que d’autres, plutôt aériennes, se déploient dans l’espace qu’elles laissent pénétrer comme un élément constitutif de leur matérialité. En embrassant du regard ces travaux réalisés depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui, on mesure l’ampleur des recherches menées par Caro.

    Certaines sculptures, parmi les plus massives et monumentales, sont constituées d’un assemblage de matières où le bois, l’acier oxydé et la pierre forment un enchevêtrement de plans au caractère vigoureux. Leur densité, la complexité de leur construction en rendent impossible l’appréciation totale. Il faut tourner autour de ces pièces hétérogènes dont l’ordonnancement se modifie avec le déplacement du spectateur. La sculpture dévoile au terme de cette promenade circulaire ses configurations possibles. Le spectateur fait l’expérience phénoménologique de la révélation successive des pièces autour desquelles il tourne. Rien n’est évident dans ces constructions, aucune logique ni plan d’ensemble n’est décelable de prime abord.
    Cherchant à se débarrasser de la contrainte de l’axe vertical et horizontal qui figerait la sculpture en une structure rigide, Caro ordonne les divers éléments de ses pièces en évitant tout rapport trop évident au sol (ou au socle). Les plaques de métal se succèdent en un jeu d’inclinaisons variées, provoquant « cette sorte de fluidité déferlante » dont parlait Clément Greenberg en 1965.

    La pièce Emma Scribble est à ce titre tout à fait représentative. Cette sculpture aérienne à la structure lisible mais très sophistiquée développe un jeux de déséquilibres constants. Les éléments sont agencés en porte- à- faux, comme sur le point de basculer. Les appuis au sol sont tous bancals, aucun pied n’est complètement perpendiculaire au sol. Cette sculpture très graphique qui privilégie les jeux de la ligne au détriment de la masse et semble frôler tout juste le sol est gracieuse dans ses effets, d’une légèreté jouant avec l’idée d’apesanteur.

    Anthony Caro
    Galerie Daniel Templon, Paris


    Pour paris-art.com, 2005
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    Thème : Arts plastiques
  • Marguerite Pilven

    Marguerite Pilven

    Critique d'Art, Commissaire d'exposition

    www.margueritepilven.net

    Balkenhol, Baechler, Vital... Perpetual Bliss

    Il y a 13 ans

    / Articles

    Balkenhol, Baechler, Vital... Perpetual Bliss
    Sorte d’état des lieux de la sculpture contemporaine, le choix des œuvres présentées a ceci de stimulant qu’il ne s’enferme dans aucune vision privilégiée. Soulignant au contraire la grande diversité des démarches, cette confrontation d’œuvres très différentes est aussi un moyen d’en faire ressortir la singularité. Elles nous placent chaque fois dans des situations inédites qui enrichissent notre rapport à l’objet et en ravivent les implications et significations, occultées par une trop grande familiarité d’usage.

    Sculptée par Stephan Balkenhol, une petite femme à la pose hiératique regarde droit devant elle. Grâce au socle de bois disproportionné qui la supporte, elle nous surplombe de ses trente centimètres de hauteur. D’aspect ordinaire, ce personnage dénué d’expression partage pourtant avec les héros de l’histoire le même privilège d’élévation. Des petits coups de burin tailladent le bois à contre-sens, allant jusqu’à hérisser par endroits sa surface.
    En mettant en valeur la résistance du bois, Balkenhol accentue le travail essentiellement physique d’une sculpture qui est affrontement à la matière : on embrasse d’un seul regard le cheminement qui mène du bois brut à l’extraction de ce gracieux personnage.

    Donald Baechler rend visible le passage de la matière à son actualisation dans une forme. Un portrait en buste de profil, et un bouquet de fleurs, tous deux en bronze semblent pourtant faits d’une boue épaisse et noire. Le contour maladroit des masses dessine une forme imprécise, et un rendu grumeleux de la surface fait vibrer ces formes obscures. Le titre du portrait annonce une seule tête, mais le buste en constitue une seconde, qu’à première vue on ne distingue pas. On reste comme au seuil de son actualisation totale.

    Issus d’une génération qui a eu en héritage la rigueur minimaliste et conceptuelle des années 1970, ces travaux de Balkenhol et Baechler, non dénués d’humour, réintègrent ce qui devenait tabou : le recours à la figuration et surtout à la figure humaine.
    Voisinant ces œuvres très incarnées, les quatre coussins gonflés d’air de Gerald Rockenschaub apparaissent dans toute leur légèreté. Disposés côte à côte, ils effleurent le sol, sans attache, comme prêts à décoller. Leur immatérialité, leur propension à habiter l’espace rendent le socle inutile.

    D’autres sculptures, comme celles de Not Vital ou de Liza Lou, tirent leur puissance d’une appropriation imaginaire des objets les plus usuels. Ils imposent leur forte présence et nous inscrivent dans un rapport de fascination, altérant la relation "ustensilaire" que l’on pratique d’ordinaire avec eux. Le grand traîneau de marbre blanc que Not Vital a dressé à la verticale fait apparaître un nouvel objet, sorte de totem à la beauté intimidante.
    Liza Lou, en parant de perles brillantes un tronc d’arbre dans lequel une hache est plantée, les investit d’une charge spirituelle et symbolique.

    Depuis les ready-made de Duchamp, et parce qu’elle partage avec l’objet sa tridimensionnalité, la sculpture ne cesse d’interroger les limites de son identité par un jeu serré de confrontations ou d’identifications à celui-ci. L’objet ready-made de Sylvie Fleury, une élégante chaussure à talon en bronze, est posé sur un cube de miroirs, réfléchissant sa silhouette. Son mode d’exposition ainsi que sa fabrication dans un matériau noble présente la chaussure, non pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle évoque et suggère : un attribut de luxe et de séduction flattant l’ego. Par cette mise en scène, l’artiste rappelle de façon ironique la valeur ajoutée que l’industrie de la mode, et plus généralement les médias donnent à ces accessoires de beauté. Elle pointe les différentes réalités, psychologiques, idéologiques ou sociales, qui nous lient de manière irrationnelle à des objets qui sont investissements du désir.

    Tom Sachs se confronte, quant à lui, aux objets manufacturés du monde industriel en les sortant de leur neutralité. Sink ist Module est un lavabo d’aspect bricolé, doté d’un judicieux système de tuyauteries et de jerrican d’eau. L’assemblage grossier de ces différentes composantes, à grands coups de sparadrap et de colle dont on voit bien les traces, met à nu son processus de fabrication et son système de fonctionnement. Réappropriation artisanale d’un objet industriel, ce lavabo s’apparente à un jeu de construction ludique.

    Mc Donald Garbage Can est un meuble peint en rouge avec, posés dessus, des petits plateaux en plastique orange dont on a pyrogravé le sigle. Ces traces de brûlures manifestes peuvent être lues comme une réaction agressive contre un monde formaté. Autant de gestes par lesquelles Sachs développe un rapport singulier et personnel avec des objets dépourvus de personnalité.

    Les trois métronomes noirs que Martin Creed a posés sur un socle blanc rectangulaire apparaissent dans toute leur sobriété : froids instruments de mesure du temps qui passe. La forme des métronomes et la polarité exclusive du noir et du blanc peuvent évoquer une trinité de juges à la sentence sans appel, ou bien ces hommes des temps modernes courant contre la montre, au costume noir devenu depuis Baudelaire symbole de cette triste aliénation.

    Balkenhol, Baechler, Vital...
    Perpetual Bliss
    Galerie Thaddaeus Ropac, Paris


    Pour paris-art.com, 2005
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    Thème : Arts plastiques
  • Marguerite Pilven

    Marguerite Pilven

    Critique d'Art, Commissaire d'exposition

    www.margueritepilven.net

    Abbas Kiarostami

    Il y a 13 ans

    / Articles

    Abbas Kiarostami
    Le cinéaste iranien Abbas Kiarostami s’est fait connaître en France à partir de 1997, lorsqu’il a obtenu la Palme d’Or à Cannes pour son film Le Goût de la cerise. Egalement poète, un de ses recueils est traduit en français et publié depuis 2001 chez POL. La galerie de France expose en ce moment un ensemble de ses photographies en noir et blanc, des clichés de paysages sous la neige.

    Durant les années de la Révolution, alors que son travail de cinéaste se voit empêché par la censure, Kiarostami se procure un appareil photo et ressent le besoin de se rapprocher de la nature. Aucun titre, ni date ne sont jamais précisés, comme si l’artiste voulait éloigner ses photographies de toute forme de contingence. La neige finit d’ensevelir les derniers indices d’un lieu précis.

    Les paysages photographiés ne font l’objet d’aucune mise en scène, mais procèdent d’une observation patiente et attentive de la nature. Un envol d’oiseaux au-dessus d’une chaîne de montagnes, un cheval noir traversant une étendue de neige immaculée ou le passage d’un chien sauvage, autant d’événements qui apparaissent à Kiarostami durant ses promenades et dont il réalise les prises de vue. On sent le regard du cinéaste, anticipant habilement la progression des mouvements dans le cadre.

    Des images procèdent plutôt d’un jeu formel, comme dans ces photographies d’ombres projetées d’une rangée d’arbres rythmant la surface, dont le cadrage retenu par l’artiste privilégie la symétrie, et le tirage fortement contrasté la beauté graphique.
    Pour d’autres photographies, Kiarostami choisi un tirage plus sensuel, évocateur de l’atmosphère immatérielle provoquée par la neige. Le froid enveloppe le paysage d’une qualité atmosphérique vaporeuse adoucissant la lumière, et les ombres se déclinent en teintes grisées subtiles, le grain épais de la pellicule rend sensible les effets de recouvrement de la neige sur les branches d’arbres ou arrondissant les volumes du paysage.

    Les visions alternent entre vues panoramiques privilégiant l’impression d’immensité et d’absorption complète dans le paysage, et vues fragmentées retenant à la manière d’un haïku un détail harmonieux valable pour le tout. Loin des conflits qui agitent son pays, Abbas Kiarostami a développé, à une époque où il pouvait encore vivre en Iran, un travail contemplatif qui à la manière de la poésie persane rend avant tout hommage à la nature en la magnifiant.

    Pour paris-art.com, 2004
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    Thème : Arts plastiques
  • Marguerite Pilven

    Marguerite Pilven

    Critique d'Art, Commissaire d'exposition

    www.margueritepilven.net

    Marguerite Pilven

    Il y a 13 ans

    Marguerite Pilven

    http://www.margueritepilven.net

    Ce site présente les articles de Marguerite Pilven à propos d'art contemporain

    Thème : Arts plastiques
  • Road Trip to Morocco
    Je reviens juste de mon voyage au Maroc où j'ai pu continuer ma série "Les côtes marocaines, le nouvel Eldorado du tourisme".
    Je suis parti de Rabat et j'ai longé la route côtière jusqu'à Essaouira en passant par El Jadida, Sidi Bouzid, Oulidia, Safi, Souira.
    Je vous présente donc quelques photos extraites de ce travail que vous aurez l'occasion de voir dans son ensemble très bientôt.
    Cette photo a été prise à Souira Kedima, station balnéaire situé entre Safi et Essaouira, où pas une seule villa ne se ressemble.
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    Thème : Photographie
  • Vacillements

    Il y a 13 ans

    / Expositions et résidences / Interlignes / Présentation

    • 1 - DSC_0072
      DSC_0072
    • 2 - Séquence 43
      Séquence 43
    • 3 - FLG-1
      FLG-1
    Vidéo HDV, 2 minutes 40

    avec la participation d'Aurélien Mascaut

    L’image énigmatique d’un adolescent suspendu dans le vide, avec sa part d’humour burlesque et sa part de frayeur menaçante, nous plonge dans l’ambiguité. Transporté le long d’un « travelling » sur un pont roulant mécanique, on se prend à imaginer les marchandises qui étaient jadis transportées à sa place. Entre l’usine, symbole de lourdeur et de pollution d’un côté, et la verdure légère et oxygénante des arbres de l’autre, un monde lui aussi ambivalent et fait de juxtapositions se dessine. Ce signe particulier de Ferrière-la-Grande et de son profil « rurbain », où ces deux réalités ont longtemps cohabité sans empiéter l’une sur l’autre, nous frappe désormais tel un vacillement du sol sous nos pieds. Les transformations du paysage au cours de l’histoire ainsi que les vestiges de l’activité industrielle constituent comme un patrimoine en creux. En investissant ce dernier, on peut dès lors trouver une manière de réinscrire la dimension « vitale » de l’expérience ouvrière que suggère la captivité flottante de l’adolescent. En effet si le développement économique a reposé sur l’édification de machines de diverses sortes, l’économie n’en demeure pas moins elle-même une « machine » à l’intérieur de laquelle doivent se développer les vies d’hommes, de femmes mais aussi d’enfants (aussi bien l’enfant au travail à certaines époques que l’enfant face à l’avenir).

    L’adolescent perdant le sens de la gravité pour s’envoler symbolise l’héritage paradoxal des ressources énergétiques autrefois générées ; mais elles ne sauraient faire oublier les énergies humaines qui s'y sont investies. Ce corps gesticulant de toutes ses forces recèle sans doute un signe d’ironie contre l’idée préconçue du dépeuplement ou du « no man’s land » que l’on prête souvent aux régions désindustrialisées où les usines ont fermées ; mais il tient aussi au-delà d’une chaîne sur laquelle les corps se sont épuisés individuellement, la promesse d’une « chaîne » possible entre les générations d’hier et celles de demain. L’œuvre de Luc Bérimont (Le bois Castiau) nous invite d’ailleurs à concevoir l’enfance, non comme un moment figé dans le marbre du passé, mais comme un état de mutation temporelle où le passé et le présent se rencontrent et insufflent de la vie dans les lieux d’où elle s’est échappée ou consumée.
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    Thèmes : Arts plastiques, Vidéo
  • L'Harmonie

    Il y a 13 ans

    / Expositions et résidences / Interlignes / Présentation

    • 1 - DSC_0148
      DSC_0148
    • 2 - Séquence 43c
      Séquence 43c
    • 3 - Séquence 43d
      Séquence 43d
    Vidéo HDV, 7 minutes 20

    avec la participation des membres de l’Harmonie municipale de Ferrière-la-Grande


    Tel un cortège d’anges musiciens mais rebelles qui voudraient manifester leur mécontentement, l’Harmonie avance vers nous mais arrive de très loin, comme le tonnerre qui gronde par échos. Le caractère cacophonique ou « déréglé » de leur musique, comme si chacun jouait dans sa bulle alors même qu’ils avancent comme un seul homme, entre en contact métaphorique et « romantique » avec la nature luxuriante qui les entoure. Ainsi du ciel et de sa lumière qui semble accompagner le mouvement de la fanfare par alternance d’éclaircies et d’ombres. Ces troubadours désenchantés deviennent des oiseaux de bons et de mauvais augures, annonçant les humeurs du ciel comme les mariages et les deuils, faisant la pluie et le beau temps sur la vie en communauté.

    Dieu sait quelle nouvelle ils sont venus annoncer cette fois-ci ; car leur marche fait d’abord l’effet d’une procession surréaliste où chacun retrouve son âme d’enfant, celle qui souffle dans l’instrument sans réfléchir au son qui en sortira. Mais l’innocence du souffle n’empêche pas la dimension collective et intergénérationnelle de faire pressentir la mélodie de l’Événement ; celle qu’on entend siffler en douce, à l’orée des grands mouvements de l’histoire, sans en reconnaître les notes. S’il est encore tôt pour prédire la destination de ces trouble-fêtes de l’Harmonie, ils rappellent par ailleurs tout un musée imaginaire où cohabitent les Musiciens du Caravage qui semblent n’en faire qu’à leur tête, les Musiciens tragiques de James Ensor qui forment un orchestre zoologique et la Sainte Cécile (patronne des musiciens) de Raphaël qui regarde le chœur des anges trônant dans le ciel alors qu’à ses pieds traînent des flûtes et des luths déglingués.
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    Thèmes : Arts plastiques, Vidéo
  • Vives voies

    Il y a 13 ans

    / Expositions et résidences / Interlignes /  Présentation

    Série de cinq vidéos HDV (5'15, 3'25, 8', 2'50, 2'10)

    avec la participation de Michèle Debrenne, Henry Fontaine, Sylvie Heuclin, Lucienne Philippe et Luisa Seba

    Les cinq micro-fictions prenant directement place sur la voie ferrée qui traverse Ferrière-la-Grande indiquent une ligne de temps imaginaire. Les personnes que l’on rencontre à différents points de cette ligne y improvisent en solitaires, comme les protagonistes d’un film d’anticipation. Sauf qu’ici la "science-fiction" ne doit plus se comprendre comme une forme désengagée de prédiction de l’avenir, placée sous le signe de l’inéluctable et de la catastrophe, mais au contraire comme la capacité de chacun à transgresser le temps du quotidien, pour entrer, à sa manière et avec ses moyens, dans une temporalité utopique. Car la voie ferrée, à la fois dans et hors de la vie des habitants, à la fois trace du passé avec le développement industriel et voie de transit vers un avenir inconnu, devient comme la scène mentale de ces récits mis-en-gestes.

    Gestes d’expérience (jouer une mélodie, se mesurer à un habitat) ou gestes compulsifs (collectionner, tricoter), tous guidés par l’horizon de l’enfance où les barrières du vrai et du faux s’écroulent. L’important n’est pas de faire semblant que nous partons pour un long voyage sous la protection d’une troupe d’animaux, mais plutôt la potentialité des lieux et des histoires multiples auxquels ce départ nous relie. Organiser son environnement en fonction des  mondes intérieurs qui nous habitent, toucher aux objets comme à des  témoins de notre lien fragile avec le présent… voilà l’attitude de celui qui "sort" de son rôle au lieu d’y entrer, conscient qu’il faut parfois se couper des autres pour mieux voir apparaître le "jeu social". Ainsi le plan-séquence, qui tranche l’espace tout en intensifiant la durée, révèle la dimension rituelle de nos manières de faire, d’être et d’apparaître ; nos résistances aux normes du langage et du vivre-ensemble.
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    Thèmes : Arts plastiques, Vidéo
  • Pièces et mémoire

    Il y a 13 ans

    / Expositions et résidences / Interlignes / Présentation

    • 1 - DSC_0060b
      DSC_0060b
    • 2 - FLG-9
      FLG-9
    • 3 - Séquence 1b
      Séquence 1b
    • + 1 media(s)
    Installation en boucle, vidéos HDV 8’40 et 11’15, vidéo analogique 19'

    avec la participation de Robert Carlier


    Le triptyque de vidéos réalisé en collaboration avec Robert Carlier, ancien ouvrier de la fonderie Miroux à Ferrière-la-Grande, nous plonge dans une triple dimension. Celle-ci se compose d’une visite-souvenir, aujourd’hui, sur la friche de l’ancien site ouvrier fermé en 2002 ; d’un film personnel qu’il réalisa en 1991 à l’intérieur même de l’usine avant son licenciement économique en 1998 ; et enfin d’une vidéo qui met en scène les modèles réduits sophistiqués qu’il construisit durant son temps libre, reprenant à l'identique les formes, les matières et les couleurs de ces machines qu'il réparait tous les jours à l'usine. Lors de sa visite, Robert Carlier nous éclaire de ses souvenirs sur les détails d’une journée de travail type, sur l’organisation et les recoins de l’usine. Mais la mémoire qui se met au travail aléatoirement sur le terrain vague prend la forme d’une description vivante, au présent, qui déstabilise notre conception du témoignage. Les mouvements zélés de sa baguette feraient presque apparaître les machines comme par le pouvoir d’une invocation magique. Le dialogue fictif qu’il établit avec ses collègues de l’époque se prolonge ensuite dans les images filmées par Robert Carlier lui-même. Les regards complices et les plaisanteries suscités entre collègues par la caméra se détachent alors de la chaîne de travail et de l’automatisme des machines.

    Si les images témoignent autant des transformations introduites par la caméra que de l’usine elle-même, il ne faut pas oublier que le geste de filmer outrepasse l’interdit opposé par le lieu de travail, qui s’avère donc aussi un lieu d’échange et de sociabilité. Puis par l’effet renversant de la troisième vidéo, la main de l’ouvrier n’est plus contrainte à suivre le rythme imposé par la machine mais elle la manipule dans un décor lilliputien. La force de travail pure se voit soudain réinvestie dans le savoir-faire de l’ingénieur maquettiste. Les trajets vacillants de la mémoire qui vont d’un point à un autre, du passé au présent, nous amènent désormais au royaume d’un art de la mémoire. Ici l’expérience se reconstruit « pièce » par « pièce », comme l’édifice d’une vie où le travail rime amèrement avec l’enfance, mais où les modèles réduits survivent aux usines.
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    Thèmes : Arts plastiques, Vidéo
  • Futur antérieur

    Il y a 13 ans

    / Expositions et résidences / Interlignes / Présentation

    • 1 - DSC_0113
      DSC_0113
    • 2 - Séquence 43b
      Séquence 43b
    • 3 - FLG-2
      FLG-2
    Vidéo HDV, 6 minutes

    avec la participation de Geoffrey Daux

    Un personnage s’avance, vêtu d’une combinaison qui semble autant celle d’un bactériologue en mission scientifique que celle d’un cosmonaute tombé sur une planète abandonnée. Car si la planète en question n’est autre que la terre, les gestes précautionneux et méthodiques qu’il accomplit nous en éloignent, comme si nous étions en zone de haute radioactivité. Il rôde ainsi une irrésistible atmosphère de science-fiction, ou à tout le moins, une remise en cause de la gravité terrestre (on pourrait aussi bien imaginer le personnage sous l’eau, explorant une carcasse de bateau). On pense au scénario spectaculaire du « dernier homme sur terre », que le cinéma a souvent revisité, mais rejoué ici avec une certaine distance comme la métaphore du dernier témoin, celui d’une culture ou d’une société que l’Histoire n’aurait pas retenue dans ses pages officielles. Les crevasses et les angles asymétriques du bâtiment déchu semblent donc figurer les méandres d’une mémoire que notre scaphandrier arpente pour mieux les combler.

    Les bruits de machines et d’usines qui retentissent en fond sonore offrent la bande-son possible d’un savoir qui se serait perdu en route sur le chemin du progrès industriel. Mais tout comme pour la gravité, le rapport au temps est lui aussi devenu incertain, ou plutôt s’ouvre à d’autres possibilités. Marchant ainsi sur les ruines d’un temps révolu, où il cherche les spécimens végétaux qui témoignent de traces de vie, sa seule présence transforme l’architecture dans un décor pour une archéologie du futur.
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    Thèmes : Arts plastiques, Vidéo