Pascaline Rey

Pascaline Rey

Artiste

www.pascalinerey.fr

Dans un monde de plus en plus virtuel et dématérialisé, Pascaline Rey a choisi une autre voie : créer du lien, de l'émotion, de la sensation. Elle utilise des matériaux variés auxquels elle donne délicatesse et sensibilité. Elle propose de sentir, de toucher, de nous surprendre par le mouvement et de la vibration. Depuis 2009, elle développe en plusieurs volets une réflexion sur le désir et ses mécanismes.

Sophie Bramly

Il y a 12 ans

/ Séries / Les désirées (séduire)

"Le courrier que reçoit tous les jours Pascaline Rey ne ressemble en rien à celui des autres. Sa boite aux lettres ne reçoit ni factures, ni paperasses inutiles.  Chaque matin le postier lui dépose  toute l'intimité des femmes: des bas trop filés pour être réutilisés, des soutien-gorges dont les baleines ont lâché ou que le temps a usé, des porte-jarretelles ou des jarretières qui viennent avec leurs histoires de séduction, de sexes frôlés,  de chairs qu'il faut couvrir pour mieux les mettre à nu. Il y a des corsets qui ont cessé de compresser des tailles, de mettre en valeur d'opulentes poitrines, des nuisettes fatiguées de nuits d'amour fougueuses et d'attentes interminables. Pascaline ouvre son courrier pour lire des histoires de femmes dans un fragile équilibre entre forces et fragilités. De la dentelle cramoisie d'un soutien-gorge fatigué, elle pourrait constituer une fiction, mais elle s'abstient.  Elle « recherche toujours des bas et collants troués ou filés, des pièces de lingerie avec de la dentelle, du tulle, du satin, des corsets, bustiers,... » pour métamorphoser ces  outils de la féminité en méduses. Prédatrices, parfois mortelles pour l'homme, les méduses ont quelques particularités qui font sourire: elles n'ont pas de cerveau, sont transparentes, se reproduisent toutes seules, sont faites d'ombrelles et de tentacules. Effrayantes du pouvoir qu'elles possèdent, elles ont aussi une fragilité et une grâce, lorsqu'elles se déplacent, qui ne peuvent laisser insensible et que Pascaline Rey met au coeur de son travail.
De la méduse jeune mariée qui signale la perte de son hymen par un filet de sang qui vient maculer ses vierges dentelles, à l'affranchie qui côtoie le monde de la nuit et joue de la provocation de son corps, en passant par la bourgeoise, conventionnelle et guidée par la tradition, ou par la veuve joyeuse, Pascaline Rey imagine la vie de chacune des femmes qui ont posté leur lingerie, en valorisant ce paradoxe qui nous est intrinsèque: être dangereuse et inquiétante de notre force à faire, être fragiles et vulnérables de notre faible confiance en nous-mêmes. Pascaline Rey n'a pas choisi la lingerie comme matière première pour se priver de parler de notre sexualité. Bien au contraire. Cette admiratrice de Dorothea Tanning, de Chiho Aoshima et d'Aya Takano, cette fervente lectrice de Beauvoir et Bataille a un goût prononcé de l'érotisme et du pouvoir qu'il confère aux femmes, qu'elles choisissent d'être désirantes ou désirées.  Si les tissus qu'elle utilise  viennent avec leurs histoires de sexe, les contours de ses méduses insistent sur le désir, les différentes incantations de la chair et ses jouissances aussi.
La danse que ces méduses entament réunies est celle qui parle de nos interrogations. Comment nous désirons nous? Nos choix sont-ils les bons? Nous aident-ils à fonctionner, à avancer comme nous le souhaitons? Doit-on se conformer pour plaire?
Doit-on aussi être médusées? En regardant l'oeuvre de Pascaline Rey, la réponse est oui."

Sophie Bramly
Fondatrice de SecondSexe.com
Octobre 2010
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Thème : Arts plastiques
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