Emmanuèle Bernheim
La douceur de l’absence
par Emmanuèle Bernheim
Salon de Montrouge catalogue, 2011

D’abord les Empreintes. 

L’empreinte en creux des mains de Mathilde serrant contre elle l’oreiller bombé de l’homme aimé et absent, et le moulage de son pull-over aux bras tendus dans lesquels on viendrait volontiers se blottir, ce pull de marin déboutonné sur l’épaule qui laisse deviner la peau douce de la naissance du cou.

Ensuite Floating memories.

Cette sculpture, flottante donc, ce mobile, fabriqué avec les mouchoirs qui appartenaient à la grand-mère alors vieillissante – aujourd’hui disparue – de Mathilde, dont on distingue les initiales brodées sur la fine baptiste. Mouchoirs qui ne quittaient jamais la vieille dame. Mouchoirs troués, trous de mémoire. Absences.

Et enfin les Mues.

Filles des Empreintes et Floating memories, souples moulages en papier de soie du corps de Mathilde, comme autant de peaux mortes.
Mortes ? Non justement. Car ce qui fait la particularité du travail de Mathilde, c’est qu’aucune de ces œuvres n’est morbide, mortifère ou macabre.

Au contraire, il y a là quelque chose de joyeux.

Les creux et les vides sont pleins. Il y a du volume, du relief. Rien n’est figé. Ça vit. Les plumes gonflent l’oreiller de céramique, elles sont à l’intérieur, et on le sent: il ne peut en être autrement.

Le corps d’un homme aimé habite ce pull-over, un cœur bat sous la résine, dans l’attente d’une étreinte.

Et ces mouchoirs qui volent telles de petites âmes blanches, comment ne pas y sentir une bienveillante présence ? Quant à ces gracieuses mues contorsionnistes, leur docilité n’est qu’apparente. Contrariez leur position, et vous verrez.

Mathilde Roussel réussit à apprivoiser l’absence, elle la rend douce. L’espace d’un instant le temps reste suspendu, mais la vie va reprendre, je vais enfouir mon visage dans le cou de cet homme, et sa tête se posera à nouveau sur son oreiller.

C’est sûr et certain.

Les absents ne sont jamais loin. Et les morts veillent sur nous.

Ces fantômes blancs, amicaux et tendres, sont là pour nous le rappeler.
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