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Cendrillon Bélanger

Cendrillon Bélanger

Artiste

www.cendrillonbelanger.net

Cendrillon Bélanger exprime le rapport des femmes à la féminité au travers de vidéos, installations et performances. Après des études aux beaux arts de Paris, elle expose au musée d’art moderne de la ville de Paris, au MAC de Lyon puis à l’international en Suisse, en Grande Bretagne, à Saint Pétersbourg etc…
  • Les Beaux Jours (Soleure 1998)

    Il y a 13 ans

    / Oeuvres / Présentation

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    Une jeune femme entre sur la scène d’un théâtre vide et salue un public imaginaire. Celui-ci apparaît sous forme de générique : unique spectacle auquel nous, seul public véritable, assisterons.

    Il pourrait s’agir aussi bien du début d’un récital que de la fin d’un film — une ambiguïté qui introduit à l’exquise perversité qui voit ici le metteur en scène se faire actrice, le spectateur placé au centre de l’œuvre, et l’intention détrôner l’action.

    DV Pal
    3 min 33 s, couleur, son
    Réalisation et montage : Cendrillon Bélanger
    Musique : Alfredo Catalani, “La Walli”
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • Isabelle et la Seine (Paris 2000)

    Il y a 13 ans

    / Oeuvres / Présentation

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    Sous le titre “Isabelle” sont regroupés ici deux travaux distincts, mais dont le thème et la protagoniste sont les mêmes. La possibilité d’une chute, le jeu avec le danger et le vertige auquel il donne lieu sont ici saisis de sorte à devenir les gestes d’une chorégraphie complexe, entre désir et désarroi.
    — Le premier travail est une œuvre vidéo intitulée “Isabelle et la Seine”. Cette vidéo a été présentée pour la première fois à la VTO Gallery, à Londres, du 17 novembre au 3 décembre 2000.
    — Le second travail, “Isabelle au-dessus de la Petite Ceinture”, est une série de photographies 24x36, dont une partie a été publiée dans la revue d’art et de littérature ON en avril 2000.


    « Une jeune femme joue du regard avec la caméra qui tourne autour de son visage comme pour mieux le connaître. Cette vidéo dans laquelle les deux partenaires (la jeune femme et la caméra) s’attirent, se repoussent, s’avère une méditation subtile sur le pouvoir dans les rapports humains. On ne distingue de la femme que son visage où s’inscrit toute la mouvance du hors-champs que l’on peut à peine soupçonner : une atmosphère sombre et ambiguë au bord d’un pont, qui fait immanquablement penser à “La Chute” d’Albert Camus de par sa configuration tragique. Dans le déroulement et le tournoiement du cadrage il y a spatialisation du son, jusqu’à la perte des sens.

    Quel bonheur de perdre ses sens et de les retrouver ! Prendre conscience du corps, franchir le seuil de son propre espace pour entrer en mouvement, se mettre en relation avec la différence à soi, voici à quoi la danse dans “Isabelle et la Seine” peut introduire. Car, ici, le spectateur entre dans la danse, entre dans l’image, il va plus loin que regarder l’écran ou contempler l’image dansante. Savoir lire une chorégraphie, c’est vouloir “faire partie de”, qui est une manière d’identification. Dans ce dialogue avec la caméra, Isabelle réitère l’altruisme sartrien. De la même manière qu’elle se cherche dans l’œil de la caméra, le spectateur cherche à s’identifier à travers l’autre.

    Un moyen fréquent d’y parvenir revient à mettre en contact les territoires de chacun ; à défaut de toucher le personnage, une superposition des lois communes permet de rentrer en communication, de préciser ses affects, d’établir une solidarité. Une solidarité plus profonde et aussi plus complexe prend naissance si l’on tient compte de la différence à l’Autre. Il y a dans “Isabelle et la Seine” un rapport à la fois de dualité et de dialogue. La projection de la jeune femme à la caméra, la projection de soi à l’Autre revient à dépasser les ressemblances pour mettre en évidence les singularités et les dissymétries qui montrent la richesse des comportements pour voir et vivre le monde autrement. Le spectateur perd ses sens dans le tournoiement du cadrage, il est obligé de les chercher et de les trouver dans le regard de l’Autre. »

    Geoffrey Martinache, Université de Lens

    DV Pal
    14 min en boucle, couleur, son
    Réalisation et montage : Cendrillon Bélanger
    Son : Cendrillon Bélanger
    Avec : Isabelle Nicou
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • Hôtel Rotary (Paris 1999)

    Il y a 13 ans

    / Oeuvres / Présentation

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    Cette vidéo a notamment été projetée sur grand écran dans la vitrine de la boutique Agent Provocateur de Soho, à Londres, en novembre et décembre 2000.

    L'Hôtel Rotary est un petit hôtel du IXe arrondissement de Paris qui date de la fin du XIXe siècle. Ancien bordel, il deviendra après la seconde guerre mondiale un simple “hôtel de passes”. Les chambres ont conservé pour la plupart leur décor et leur charme d’origine. Qu’il s’agisse de “La Chambre Rouge”, de “La Piscine” ou de “La Chambre Chinoise”, une étrange ambiance se dégage de ces lieux où le temps semble s’être bel et bien arrêté.

    Cette vidéo a été tournée dans “La Chambre Chinoise”. La caméra est fixe et filme le corps d’une jeune femme nue allongée sur un lit. Ses mouvements sont lents et langoureux ; elle regarde sans cesse vers le haut, hors-champ inquiétant auquel elle semble dédier toute sa chorégraphie. Scène mystérieuse tirée d’un rêve ou d’un cauchemar, cette vidéo plonge le spectateur dans un univers érotique qui échappe à la temporalité.

    Hi8 Pal
    4 min 34 s, couleur, son
    Réalisation et montage : Cendrillon Bélanger
    Son : Giuseppe Verdi, “Requiem” (remixé)
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • Ciné-Parc Laval (Montréal 1999)

    Il y a 13 ans

    / Oeuvres / Présentation

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    Après avoir installé une centaine de chaises sur le vaste site déserté de ce célèbre “drive-in theater”, Cendrillon Bélanger a réalisé plusieurs dizaines de photos, avant de filmer l’espace et de mettre en lumière la relation que les chaises pourraient entretenir avec lui…
    Il s’agit donc d’un double travail : photo et vidéo.
    Les photos rendent compte du lieu en tant que tel : espace immense et inquiétant, où l’homme n’est présent que sous forme de traces.
    Les images vidéo, quant à elles, mettent l’accent sur les chaises et la vie qu’elles apportent soudain dans ce lieu. Elles personnifient les êtres absents et les mémoires qui hantent le drive-in.

    Cette vidéo a été conçue comme un générique de film. On y voit défiler les titres d’œuvres cinématographiques ayant reçu un Oscar à Hollywood.

    Hi8 Pal
    3 min 33 s, couleur, son
    Réalisation et montage : Cendrillon Bélanger
    Musique : Marlène Dietrich, “Illusions”
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • Between Us (Paris, 2004)

    Il y a 13 ans

    / Oeuvres / Présentation

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    Cette installation est une double projection vidéo qui utilise le coin d’une pièce comme un stratagème. Celui-ci agit comme une pliure de l’espace, une faille qui se transforme aussi en ellipse temporelle.

    Plusieurs jeunes femmes marchent, s’amusent ensemble, jouent à passer d’un mur à l’autre, d’une projection à l’autre. Cependant, peu à peu, elles finiront toutes par disparaître, happées par ce “trou noir” que constitue le croisement des deux plans de projection. Ce dernier représente la frontière entre deux mondes, un pôle d’attraction menaçant, et ce malgré la légèreté des allées et venues des jeunes femmes, lesquelles, au final, se révèlent les victimes innocentes d’une Altérité impalpable autant qu’implacable qui détermine leur existence mais finira par les emporter.

    DV Pal
    10 min en boucle, couleur, son
    Réalisation, caméra et montage : Cendrillon Bélanger
    Son : Cendrillon Bélanger
    Avec : Fleur Abot, Laetitia Benat, Virginie Boy, Sophie Chatelier et Anna Radwan (toutes les jeunes femmes sont habillées par Sakina M’Sa)
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • Betty (Paris, 2002)

    Il y a 13 ans

    / Oeuvres / Présentation

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    « Ton fil de fer charge-le de la plus belle expression non de toi mais de lui. Tes bonds, tes sauts, tes danses — en argot d’acrobate tes : flic-flac, courbettes, sauts périlleux, roues, etc., tu les réussiras non pour que tu brilles, mais afin qu’un fil d’acier qui était mort et sans voix enfin chante. Comme il t’en saura gré si tu es parfait dans tes attitudes non pour ta gloire mais la sienne. Que le public émerveillé l’applaudisse : “Quel fil étonnant ! Comme il soutient son danseur et comme il l’aime !” À son tour le fil fera de toi le plus merveilleux danseur. » — Jean Genet

    DV Pal
    4 min, couleur, son
    Réalisation, caméra et montage : Cendrillon Bélanger
    Musique : Nicky Skopelitis, “Mustapha Loop”
    Avec : Betty Fraisse
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • A Silent Part (Paris 2004)

    Il y a 13 ans

    / Oeuvres / Présentation

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    « Au sein d’une nuit obscure,
    Brûlante d’un amour angoisseux,
    Oh ! quelle heureuse fortune !
    Je sortis sans être vue,
    Quand tout, chez moi, déjà reposait...

    À l’obscur, en sûreté,
    Par l’escalier secret, déguisée,
    Oh ! quelle heureuse fortune !
    À l’obscur et en cachette,
    Quand tout, chez moi, déjà reposait...

    Au sein de la nuit bénie,
    En secret — car nul ne me voyait,
    Ni moi je ne voyais rien —,
    Sans autre lueur ni guide
    Hors celle qui brûlait en mon cœur.

    Et celle-ci me guidait
    Plus sûre que celle du midi,
    Où Celui-là m’attendait
    Que je connaissais déjà
    Sans que nul en ce lieu ne parût. »

    Jean de la Croix

    DV Pal
    8 min 30 s en boucle, couleur, son
    Réalisation et montage : Cendrillon Bélanger
    Son : Cendrillon Bélanger
    Avec : Gabrièle Sparwasser
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • Vanité (Berlin 2010)

    Il y a 13 ans

    / Oeuvres / Présentation

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      fil rouge 2 plus claire
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      fil rouge 1 recadrée
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    Cette installation a été présentée pour la première fois du 11 au 20 juin 2010 lors de l'exposition "La Trêve entre les Fleurs” à la Red Brick Warehouse Number 1 de Yokohama, dans le cadre de la cinquième édition de “Yokohama France Video Collection”.

    L’œuvre comprend quatre séquences vidéo montrant un corps féminin plongé dans une baignoire remplie d'eau.
    Il s'agit de quatre tableaux vivants, quatre saisons faisant référence aux Vanités de la peinture classique.

    Cette composition en mouvement rappelle à son spectateur la fragilité de l'existence en déroulant sous ses yeux le “fil rouge de vie qui pulse, qui tisse les liens, d'une saison à l'autre d'un corps de femme” (Stephen Sarrazin, curator).

    DV Pal
    12 min en boucle, couleur, son
    Réalisation et montage : Cendrillon Bélanger
    Caméra : Emma Rapin
    Son : Cendrillon Bélanger
    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • À mon Seul Désir (Paris, 2006)

    Il y a 13 ans

    / Oeuvres / Présentation

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    « Ce tableau vivant a été réalisé le 21 Juin 2006, dans la vitrine de la galerie Miss China Lunch Box, en plein Pigalle, à Paris.
    La vitrine de la galerie a été transformée en une scène ; le décor évoque une sorte d’antichambre-boudoir.
    L’espace était clos, fermé par des tentures, et les spectateurs pouvaient voir et entendre un chant depuis l’extérieur ; ils pouvaient également pénétrer dans la galerie, mais sans jamais pouvoir accéder à la vitrine.
    Le jeu de lumières (mini rampe lumineuse, spots) rose rouge rappelle celui des devantures des bars de nuit de Pigalle.
    À l’intérieur de la vitrine, deux personnages féminins de cabaret vêtus de corsets, en bas et porte-jarretelles.

    Une femme est debout ; elle chante et pose. Elle chante en boucle un air de “L’Opéra de Quat’sous”, de Kurt Weil, le passage de “Jenny des Corsaires”. Le second personnage féminin est accroupi et brode au fil blanc la phrase “À mon Seul Désir” sur la couture du bas de sa compagne, elle remonte lentement le long de la jambe, pique et repique consciencieusement et inlassablement l’aiguille. Le geste est à la fois délicat et d’une sensualité un peu cruelle, contenue.
    Des hommes passaient, attirés par la lumière rouge et la silhouette prometteuse de la chanteuse. Ils attendaient qu’il se passe enfin quelque chose, quelque chose d’un peu plus excitant. Ils s’irritaient rapidement du rythme lent et du geste de la brodeuse, dont les mains frôlaient et piquaient la surface de la cuisse à intervalles réguliers et sensuels. Ainsi, l’image de ces deux femmes qui s’offraient aux regards des autres — et ici, à Pigalle, surtout des hommes — perdait de sa passivité et devenait pour certains une scène presque agressive parce qu’ambiguë.

    Ce tableau vivant est le prolongement d’un cycle d’installations dans lesquelles interviennent toujours deux personnages féminins. Ce ne sont pas exactement des performances, ce sont plutôt des apparitions, il n’y a pas de début et de fin. Ce sont toujours des mises en scène de femmes prises dans leur activité, leur histoire, à un moment donné. Une séquence de film qui tournerait en boucle jusqu’à l’épuisement. Les spectateurs, les passants, se retrouvent tout à coup dans un récit qui aurait déjà commencé. Ils font intrusion.

    Les personnages ont toujours une activité répétitive déterminée : broder des cheveux, un bas ou un ruban interminable, dormir, tricoter, chanter, se laver… Il y a toujours reconstitution d’un décor : papier peint ou tentures, sol carrelé ou parquet, miroirs ou éclairages particuliers. Ce décor renvoie à un lieu bien défini : le corridor, la cave, la chambre d’hôpital, le bordel. Les personnages ont toujours un “costume” : robes immenses et envahissantes, camisoles ou corsets.
    Dans le cycle “À Mon Seul Désir”, la figure de la brodeuse est récurrente, elle est la figure de la transmission, de la filiation. Elle est aussi celle de l’attente, de l’enfermement et de l’obsession.

    Broder, filer, coudre, tisser, sont autant de gestes, d’attitudes, qui renvoient à des archétypes de la féminité. Brodeuses, dentellières, fileuses, tisseuses traversent l’histoire de l’art et parcourent les mythes, mais elles définissent aussi un territoire, racontent l’histoire d’un lieu, d’un pays (la Palestine portative dont parle Jean Genet au sujet des broderies des femmes palestiniennes exilées au Liban, par exemple). Les motifs qu’elles forment sont de minuscules topographies d’un lieu et de sa mémoire.

    L'usage du fil est attaché à des symboliques diverses, des mythes et des usages ancestraux. Même s'il faut éviter l'écueil du symbolisme, il est difficile d'évacuer les références, les analogies et les métaphores de l'usage féminin des pratiques “du fil et de l’aiguille” : tisser, broder, nouer, coudre, filer, raccommoder, de Pénélope à Ariane, en passant par les Parques mais également tous les contes et légendes qui se trament autour d'un événement lié au fil, à la couture ou au vêtement magique tels le rouet dans “La Belle au Bois Dormant”, la tunique empoisonnée imaginée par Médée, les chemises en ortie tissées par la jeune fille pour sauver ses frères dans “Les Cygnes Sauvages” d’Andersen, les robes dans “Casse-Noisette”…

    Ces gestes ancestraux du raccommodage, du tissage, de la broderie, seraient alors des symptômes de la perte, sa preuve flagrante et sa conjuration. Coudre de la peau pour suturer une plaie, coudre un tissu, broder, donne toujours lieu à sorte de cicatrice, une boursouflure, une marque résiduelle qui s'affirme comme l'absence de ce qui a eu lieu. L’usage de la couture, de la broderie, l'emploi du tissu et des vêtements dans une démarche artistique entraîne — parfois avec sarcasme — toute cette généalogie féminine et le fameux “c’est un boulot de fille”. Souvent, également, cette généalogie rappelle le présupposé que le féminin est de l’incomplet, de l’inachevé, que la femme est dans un incessant “faire et défaire”.
    Ainsi, transmettre et reproduire le geste de Pénélope seraient re-transmettre et re-produire une perte, un manque originel. Mais je trouve tous ces gestes immanquablement beaux et troublants parce qu’ils fonctionnent aussi comme des armes à double tranchant : ils blessent et réparent, ils apaisent ou empoisonnent, ils défont et refont un récit, ils guident vers la sortie ou coupent le fil de la vie.

    “À Mon Seul Désir” c’est l’envie de rendre hommage à toutes ces figures de femmes à “aiguilles” ou à “talons” dont nous descendons, de la brodeuse à la prostituée, en passant par la “faiseuse d’ange”. »

    Emma Rapin, historienne de l’art et plasticienne


    Suite
    Thème : Arts plastiques
  • Par Emma Rapin.

    Il y a 13 ans

    / Biographie

    Par Emma Rapin.

    « Le travail de Cendrillon Bélanger se construit sur un mode constellaire qui relie entre eux des mondes et des pratiques qui ne sont pas toujours faits pour se retrouver. Elle puise son inspiration aussi bien dans l'histoire de l'art que dans le cinéma hollywoodien des années 50, en passant par la mode ou les cultures populaires anglo-américaines et la musique punk. Chaque pièce peut être abordée par de multiples entrées et possède la beauté insolente que pourrait générer la rencontre d'un film de Billy Wilder et une création de Vivienne Westwood. La richesse de ses thématiques relève également d'une tradition classique picturale de l'autoportrait, et du genre trop souvent négligé du tableau vivant, cher aux XVIIIe et XIXe siècles, ainsi que de la photographie scénarisée du studio. L'artiste revisite ces genres en les réactualisant par l'usage du médium vidéo, par un travail sur les sonorités et par la réalisation d'installations servant de cadre à des projections. Le point de départ de chaque pièce, quel que soit son médium, est l'espace : la construction d'un cadre très défini, souvent oppressant, exigu.

    Ce cadre rappelle celui de la toile en peinture, du cadre photographique ou du piédestal du modèle qui pose. Ainsi, une des démarches emblématiques de la recherche de Cendrillon Bélanger est l'utilisation des cabines de photographie dans les espaces publics, dédiées la plupart du temps à la photographie d'identité. L'artiste s'approprie l'espace étroit de la cabine, construit un décor, change la lumière, se met en scène dans diverses attitudes ; le temps de pose est bref, et dépend de la programmation de la machine. Ce processus d'autoportrait de l'artiste, tout à la fois sujet actif et objet contraint dans des positions improbables, rend inopérant l'idée même du portrait. Car le résultat de ces clichés rend compte d'un corps fragmenté, tantôt minéral, tantôt végétal ; on y découvre une identité scrutée au microscope, un corps sans visage, une identité aux contours flous et mouvants. Un processus identique de morcellement, de flou et de désintégration du corps dans le mouvement se retrouve dans la vidéo “Hôtel Rotary” (1999). Cette fois, l'espace scénographique est celui du lit dans lequel l'artiste-modèle se meut. La caméra, placée en hauteur, donne l'impression d'un regard omniprésent, dominant la scène, à la manière du film de Michael Powell “Le Voyeur”.

    Il en va de même pour ses installations vidéos. Qu’il s’agisse de “Love Apart” (2000), “Sky Touch” (2003), “Between Us” (2004) ou “Queen of Spades” (2009), les fines plaques de verres servant d’écrans de projection sont disposées de telle sorte que l’on sente un espace restreint et fragmenté, étouffant et très fragile. Les personnages projetés semblent errer et leurs mouvements se rapprochent davantage d’une chorégraphie qui chercherait désespérément à trouver une issue. Dans un récent travail, “Vanité” (2010), l'artiste se filme dans le cadre étroit de la baignoire ; tous les plans sont en plongée, ce cadre très net défini par la baignoire tend à effacer la réalité tridimensionnelle et transforme les plans en autant de peintures. Cette mise à plat de l'image vidéo, ramenant le corps du modèle dans la baignoire à son espace pictural d'origine, crée une analogie troublante avec le “Nu à la Baignoire” de Bonnard (1935), dans lequel le peintre adopte, lui, le point de vue cinématographique de la plongée. Il y a dans cette démarche artistique une forme de joie baroque et de divertissement, presque au sens pascalien, de se détourner de ce que l'on cherche d'essentiel, ici l'identité, la fusion impossible avec l'autre (que ce soit l'artiste-modèle ou l'artiste filmant l'autre).

    À la manière de Narcisse qui voit son image dans l'eau, mais la trouble de sa main, Cendrillon Bélanger se filme en s'efforçant de brouiller et de détourner ce qu'elle voit dans un jeu de miroir, de mise en abîme, de projection sur verre, de projection au sol, de pratiques techniques relevant du jeu dangereux. Un autre élément important est cette sorte de légèreté avec laquelle elle “bricole” lorsqu'elle transforme le photomaton en studio photographique ou l'espace de la baignoire en toile tendue sur un châssis. Cette tension entre une manière de faire qui utilise les moyens du bord et la contrainte imposée au corps et au médium par le choix d'espaces réduits, de protocoles techniques parfois mis en péril, donne à voir un travail mû par l'inquiétude et la légèreté, qui oscille entre désir de voir, de montrer, et désir de se dérober en élaborant toutes sortes de subterfuges destinés à ne jamais résoudre cette question de l'identité, offrant au regard du spectateur le reflet de sa propre impermanence et de ses incertitudes, mais toujours avec allégresse. »

    Emma Rapin, historienne de l’art et plasticienne
    Suite
    Thème : Arts plastiques