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« LE GÉNÉRATEUR, 10 ANS D’ART ET DE PERFORMANCES »
Textes de Marina Abramovic, Bernard Bousquet, Anne Dreyfus, François Durif, Aurore Laloy, David Liver, David Noir, Alberto Sorbelli, Nadia Vadori-Gauthier, Charles Pennequin, Fréderic Lecomte, Marion Estimbre, Eléonore Marie Espargilière. Edité par Eléonore Marie Espargilière et Anne Dreyfus. Conception graphique : Birgit Brendgen. édition bilingue (français / anglais). 19 x 25 cm. 436 pages. Publié par Le Générateur. 2016. Diffusion Les Presses du Réel. 32 €.
Je suis fière de vous annoncer la parution d'un de mes textes dans le catalogue du Générateur, superbe livre revenant sur une décennie de performances en 436 pages de photos, splendides, et dix textes d'artistes dont ceux de Marina Abramovic, Alberto Sorbelli, Anne Dreyfus, David Liver, ou donc le mien. Si vous souhaitez vous procurer l'ouvrage > http://legenerateur.com/publications/
« LE GÉNÉRATEUR, 10 ANS D’ART ET DE PERFORMANCES »

Textes de Marina Abramovic, Bernard Bousquet, Anne Dreyfus, François Durif, Aurore Laloy, David Liver, David Noir, Alberto Sorbelli, Nadia Vadori-Gauthier, Charles Pennequin, Fréderic Lecomte, Marion Estimbre, Eléonore Marie Espargilière. Edité par Eléonore Marie Espargilière et Anne Dreyfus. Conception graphique : Birgit Brendgen. édition bilingue (français / anglais). 19 x 25 cm. 436 pages. Publié par Le Générateur. 2016. Diffusion Les Presses du Réel. 32 €. 

Ci-dessous, mon texte :
Mort à la performance !

Je ne comprends rien à la performance. Et pourtant je ne peux plus m'en passer. Je ne vis, pense, rêve, bouge, transpire que par la performance. Comme un chewing-gum qui me colle à la semelle. Une ombre sur l'asphalte. Un doppelgänger. Quand je vois celles des autres, je mets cinq jours à m'en remettre. S'il s'agit des miennes, parfois cinq semaines. Après avoir perdu l'usage de ma voix pendant deux mois suite à une performance [1] particulièrement chargée émotionnellement, une amie a cru me rassurer en me disant que "les initiations étaient rarement des parties de plaisir." Je ne suis pas rassurée. J'assiste à ma propre vie comme à une performance qui ne s'arrête jamais. Comme tenter de faire partir quelqu'un en tenant la même note aigüe jusqu'à briser tous les verres de la cuisine, et échouer. Une initiation sans fin. Insoutenable. Mais surtout, je ne peux pas m'empêcher de compulser toutes les performances de ma vie dans des carnets [2] que je remplis en quelques jours. Parfois en quelques heures. Ma pratique graphomane m'a fait progressivement perdre tous mes amis. Certains ont commencé par refuser d'aller au cinéma avec moi au prétexte qu'il est perturbant d'être assis à côté d'une vie qui écrit dans le noir, en parallèle de l'histoire qui se déroule à l'écran. D'autres ne veulent plus monter en voiture quand je conduis parce qu'il m'arrive de prendre quelques petites notes au volant. Je me rends bien compte que la performance est une déstabilisation et une mise en danger de sa propre vie autant que de celle des autres. Pourtant, je continue. Et pire encore. Quand un carnet est totalement griffonné, j'en entame généralement la lecture à voix haute [3]. Là, honnêtement, le problème n'est plus d'avoir perdu ses amis, mais de se faire des ennemis. Quand tous m'ont tourné le dos, je ne peux plus faire autrement que de consulter un public. Je me sers de lui comme d'un oracle qui me livre des prophéties. J'appelle ça la performancie. Une fois [4], j'ai enfermé un public pour qu'il m'écrive mon texte. Une autre fois [5], hésitant à prévenir l'homme dont je croyais être enceinte par lettre ou par téléphone, j'ai interrogé le public à son insu en lui laissant le choix entre me regarder dire un texte sans pouvoir l'entendre ou écouter ma voix qui sortait d'une enceinte. Ironie du sort : l'enceinte n'a pas marché. CQFD. Cher public, sachez que cette fois [6] dans cette corrida-textuelle, je vous consulte comme on cite un taureau dans l'arène afin de vous demander d'achever la performance ou bien c'est elle qui m'achèvera. Vous avez donc le choix de lire ou non ce texte jusqu'au bout : le sort de ma part maudite est entre vos mains. 3. 2. 1. Mort à la performance ! Non ? Vous êtes toujours là ? Echec.   

Paris, le jeudi 9 juin 2016. Aurore Laloy.   

[1] Duo Erose / Aurore Laloy (texte / voix) et Mamoto / Constantin Leu (objets), 24h de la performance. Le Générateur, FRASQ 2015. La disparition de la voix, sujet de résidence d'écriture 2016, Anis Gras. http://loligo.tm.fr  [2] Extraits de mes Moirs à consulter : www.lepiphyte.com  [3] J'anime une émission de radio dédiée à la poésie et à la performance : Hôtel Paradoxe sur Radio Libertaire 89.4fm. www.hotelparadoxe.net  [4]Bunker Paradis, pièce radiophonique / spectacle vivant pour quinze musiciens, quinze acteurs, et un public. Retransmise en direct à la radio depuis Le Générateur, FRASQ 2012.  [5] L come L'amore, hommage à Anna Magnani, Aurore Laloy (texte / voix), Adrien Kanter (machines analogiques), David Liver (action), FRASQ à la Galerie Nivet-Carzon 2014.  [6] Performance - corrida, publication au catalogue des 10 ans du Générateur.
Suite
META - Aurore Laloy - Catalogue des 10 ans du Générateur - Publication 2016 - 1610-leG10ans-lune