Martial Solal

Il y a 9 ans

/ Présentation / Anecdotes

J’ai passé six mois à Hérouville, chez Michel Magne, à arranger ses musiques de film. Comme je n’y connaissais absolument rien à la musique, je m’autorisais des trucs barrés, des alliages improbables genre harpe-grosse caisse, avec tuba dans le suraigu et cor de chasse solo. Pour moi c’était sans risque : si je me plantais, c’est Michel qui prenait ! Aujourd’hui, je mesure la chance dont j’ai bénéficié : J’avais tous les jours un orchestre à ma disposition pour expérimenter mes conneries.
Quand Michel m’a confié les arrangements du disque de Martial Solal, j’étais ébloui. J’avais vingt trois ans et la responsabilité était écrasante. J’étais impressionné par la stature de Martial Solal, un immense soliste, un musicien qui a suivi sa voie à lui, avec un style personnel très fort, qui n’a jamais imité personne, et qui est d’ailleurs inimitable.
Il m’a fallu tordre les thèmes de Michel en fonction de l’identité de Martial Solal tout en m’inspirant des grands du jazz moderne, Thelonius Monk, André Hodeir, et les deux Evans, Bill et Gil, mes idoles, que j’écoutais sur mon Tepaz. Michel m’avait donné carte blanche, « aucune censure, fonce ! » Il voulait que j’aille vers un truc déjanté et éclatant. Mon goût pour l’insolence et le délire organisés le faisait rire. J’ai essayé toutes sortes de bêtises, fausses improvisations, séquences énervées, écrites sur une seule note, formules rythmiques simultanées, mélodies déstructurées, dissonances, diabolus in musica, phrases incohérentes, faux départs, tout y passait, en essayant de donner l’impression de n’importe quoi et de fouillis, mais d’une extrême rigueur, sinon c’est pas drôle. Tout a été enregistré en direct, et je me suis beaucoup amusé en observant la méfiance réciproque entre les musiciens dits « classiques », et ceux de la rythmique « jazz », Lolo Bellonzi et Paul Rovère, totalement paniqués par la présence des « plumiers » (c’est ainsi qu’ils nommaient les violonistes). A l’époque, ils n’avaient pas trop l’habitude de se côtoyer.
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META - Jean-Claude Vannier - Martial Solal