J’aime penser que tout a été vu et que le travail consiste plutôt à reconnaître.
Ma pratique de l’image joue volontairement avec un certain nombre de clichés, de formes qui petit à petit se sont inscrites dans l’imaginaire collectif. Avec le temps certaines de ces images se sont affranchies de leurs histoires originelles, elles ont en quelque sorte muté.

Un jour, j’ai lu l’histoire de cette femme qui coupait systématiquement les deux extrémités de son rôti avant de le mettre au four ; depuis longtemps c’était devenu automatique. Un jour, on lui demande la raison de son geste, elle répond n’y avoir jamais réfléchi mais plus tard elle réalise que l’origine remonte à son enfance : sa mère avait un four de petite taille.
Ce qui m’intéresse dans cette histoire c’est la perpétuation du geste par delà sa nécessité première. Je pense qu’il en va de même dans notre rapport aux images : aujourd’hui elles n’ont plus nécessairement de lieux, elles circulent librement, déconnectées de leur contexte.
Je suis sensible à la grande richesse que propose ce foisonnement et par extension aux rencontres possibles entre ces formes devenues libres.
Mon geste est simple, il consiste à créer des images (photographies, vidéos, séries...) qui nous questionnent sur leurs origines, ainsi il est souvent question de filiation, de formes qui en évoquent d’autres, d’interférences ou de reconnaissances… Mes images sont à la fois autonomes et fragmentaires, autonomes parce que motivées par des enjeux récurrents (la relation des corps et des lieux, la question du hors champ...) mais aussi fragmentaires puisqu’elles peuvent se redéfinir selon leur « voisinage ».

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