Corinne Mercadier

Corinne Mercadier

Photographe

www.corinnemercadier.com

L'oeuvre photographique de Corinne Mercadier est liée jusqu’en 2008 au Polaroid SX 70. A partir de ces clichés, elle réalise des tirages agrandis de différents formats. Elle a également une pratique du dessin, pour la préparation des sculptures et des mises en scènes de ses images. S’il y a une rupture radicale dans l’œuvre de CM, c’est l’arrêt de la fabrication de la pellicule Polaroid SX70 en 2008. Depuis, elle travaille avec les outils numériques, qui ont apporté des modifications fondamentales aux dispositifs de prise de vues et à l’esthétique de ses images.

Corinne Mercadier a exposé régulièrement depuis 1998 à la Galerie Les filles du calvaire, et à la Galerie Alan Klotz à New York en 2006 and 2008 ; au festival Fotofest, Houston, Texas; à la FIAC et à Paris-Photo; à La Primavera FotoGrafica, Barcelone; à l'ARCO, Madrid...

Elle a reçu le Prix Altadis en 2001 et a obtenu en 2003 une commande du Musée Reattu et du Ministère de la Culture à l’occasion de laquelle elle réalise La Suite d’Arles, exposée pendant les RIP.
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Blouin art info, 8 novembre

Par Céline Piettre.


Comment expliquer la fidélité de Corinne Mercadier à un certain type de paysages ? Lieux déserts traversés d’objets en lévitation et de personnages énigmatiques, ciels obscurs, horizons infinis. Qu’elle ait quitté en 2008 son bon vieux polaroïd SX70 pour un appareil numérique et les joies de Photoshop n’y change rien. L’artiste persévère. On retrouve dans ses deux dernières séries, Black Screen et Solo (présentées aux Filles du calvaire jusqu’au 1er décembre), dans leur titre même, ce goût pour l’ombre et la solitude. Et cela, peut-être justement parce que les paysages de Corinne Mercadier n’en sont pas. Construits de toutes pièces, comme ces cabanes que l’on fabrique enfants car il n’en existe aucune à la taille de son imaginaire. Vides pour qu’on y entende mieux résonner sa propre voix. Anonyme en visages, en temps et en espaces pour pouvoir s’y projeter sans avoir à faire de la place au préalable.Des scènes de théâtre, des songes strictement composés, où viennent se jouer quelques instants mystérieux. Des lieux qu’on traverse, qu’on occupe mais où l‘on n’habite pas. Sans couleur comme dans un rêve. Sans localisation précise.
A l’étage, la netteté de la série Solo, le lien étrange qui se tisse entre les personnages (mère ou fille de l’artiste) et les objets lancés en l’air et stoppés net dans leur course, évoquent le surréalisme de Magritte ou de De Chirico. On est manifestement ailleurs, dans un espace mental à la fois ouvert et délimité, figé en un temps suspendu. Les horizons, très bas, les ciels noirs, étirent le sol à l’infini, surface terrestre monochrome dont on arrive presque à deviner la courbure. Un labyrinthe, des rectangles et des sphères, des présences absentes, des gestes capturés dans leur élan par la pellicule.« Ce qui m’intéresse dans le mouvement photographique, c’est qu’il enregistre ce que l’œil n’a pas vu ». Ici, une chorégraphie muette et immobile, mais dont on sent le dynamisme passé et à venir. Corinne Mercadier déploie cette magie qui est propre au médium et qui consiste à révéler des agencements secrets. Une magie qui imprègne l’atmosphère jusqu’aux objets et aux personnages eux-mêmes : baguettes, sorciers, danse rituelles et corps occultes.Au rez-de-chaussée, la série Black Screen est une succession d’épiphanies. Dans des intérieurs dépouillés, des objets laissés à l’abandon sont transfigurés par une lumière interne. Devenus phosphorescents, des piles d’assiettes, un lit démantibulé posé à la verticale contre le mur, un seau, un balai, se détachent du fond noir comme sur les négatifs d’une photographie. Ils apparaissent littéralement, se « manifestent » tels des fantômes. Radiographies de ce qui est caché. Repentirs.La magie opère une fois de plus. Tout prend du relief : le grain du sol, les lézardes sur les parois abîmées, la saleté sur les murs, les poussières, la matière. La lumière dans un angle de cheminée découpe un volume de blanc comme sur une toile abstraite.Ici, et à l’opposé de la série Solo, il ne s’agit pas d’instants capturés mais d’une durée faite de strates temporelles, étirées, superposées. Corinne Mercadier, en magicienne de l’image, a jeté un sort à ces lieux inhabités. A la fois vides et saturés de temps, de passés qui brillent dans l’obscurité telles des lucioles.
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Thème : Photographie
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