Black screen drawings offre une entrée différente dans un univers qui a pris forme au travers de la photographie. J’ai toujours accompagné la maturation de mes photographies par des carnets de dessins préparatoires, pour travailler les images, composer des polyptyques, ou pour concevoir mes sculptures : ce sont des dessins rapides, utiles et liés par une chronologie. Ce n’est pas le cas de cette série (que l’on peut rapprocher de Dehors, Le versant éclairé, Ce qu’il y a entre les choses, dans les années 90) : une rêverie à partir d’un fond d’encre fait émerger des formes qui s’éclairent et se colorent peu à peu. Ce qui est commun à tous, outre l’unité de format et de technique, est l’apparente cohérence des sources de lumière, des ombres et de la perspective. Ces scènes sans réalité prennent l’aspect détaillé dont la mémoire ou l’observation auraient pu rendre compte. Les moirures du fond d’encre sont interprétées comme des territoires géographiques, et les formes construites sur ces territoires, proches de l’abstraction, sont hors d’un temps ou d’un espace mesurable. Il ne s’agit pas de paysage, mais plutôt de lieu de spectacle en extérieur sans décor, ni costumes ni personnages. Un théâtre. Mes photographies aussi sont un théâtre, qui, lui, n’est pas vide et s’anime par la présence du corps et du temps. Que ce soit dans les dessins ou dans les photographies, je cherche à capter l’épaisseur du présent, et la mise en scène/mise en abyme est mon capteur idéal.
Thème : Photographie