« Dans leur riante insouciance, la plupart de mes camarades n’avaient jamais réfléchi aux horreurs de la guerre. Ils ne voyaient la bataille qu’à travers des chromos patriotiques. »
Jean Galtier-Boissière, en rase campagne 1914
En travaillant à partir de photographies de Gueules cassées de la Première guerre mondiale, Lisa Sartorio amplifie un processus de (dé)figuration et de transformation à l’œuvre sur ces visages encore tuméfiés. Les manipulations qu’elle y apporte redoublent avec étrangeté un travail de réparation chirurgical. Leur matérialité, l’incarnation troublante qu’elles apportent à ces images rappelle les opérations, délicates et successives, d’arrachement et de transplantation. Ces collages ornementaux convoquent tout à la fois les codes esthétiques de la Vanité, du camouflage ou du tatouage, des pratiques liées à la conjuration de la mort, à la survie, aux rituels de passage d’un monde vers un autre. Il y a comme un commentaire ambigu dans les résilles végétales parant ces visages aux traits détruits, saisis au seuil d’une renaissance. Que survit-il de ces hommes armés de traits nouveaux et remis en état de circuler sans horrifier leurs semblables ? Intensifiés par une mise à distance du travail de réfection chirurgical, les regards de ces hommes semblent fixer le monde depuis un territoire infranchissable et lointain. Leurs yeux percent les masques comme un point d’aimantation intouché, une charge, une adresse.
En convertissant ces photographies de constat en portraits, Lisa Sartorio invente les conditions inédites d’une rencontre devenue possible avec d’insoutenables images. Cette possibilité apporte également une alternative à l’écueil, globalement exprimé, d’une « banalisation de la violence par les média » ; écueil qui revient finalement à en empêcher la visibilité réelle, à en bannir la réalité et la gravité.
Marguerite Pilven, pour Lisa Sartorio
Jean Galtier-Boissière, en rase campagne 1914
En travaillant à partir de photographies de Gueules cassées de la Première guerre mondiale, Lisa Sartorio amplifie un processus de (dé)figuration et de transformation à l’œuvre sur ces visages encore tuméfiés. Les manipulations qu’elle y apporte redoublent avec étrangeté un travail de réparation chirurgical. Leur matérialité, l’incarnation troublante qu’elles apportent à ces images rappelle les opérations, délicates et successives, d’arrachement et de transplantation. Ces collages ornementaux convoquent tout à la fois les codes esthétiques de la Vanité, du camouflage ou du tatouage, des pratiques liées à la conjuration de la mort, à la survie, aux rituels de passage d’un monde vers un autre. Il y a comme un commentaire ambigu dans les résilles végétales parant ces visages aux traits détruits, saisis au seuil d’une renaissance. Que survit-il de ces hommes armés de traits nouveaux et remis en état de circuler sans horrifier leurs semblables ? Intensifiés par une mise à distance du travail de réfection chirurgical, les regards de ces hommes semblent fixer le monde depuis un territoire infranchissable et lointain. Leurs yeux percent les masques comme un point d’aimantation intouché, une charge, une adresse.
En convertissant ces photographies de constat en portraits, Lisa Sartorio invente les conditions inédites d’une rencontre devenue possible avec d’insoutenables images. Cette possibilité apporte également une alternative à l’écueil, globalement exprimé, d’une « banalisation de la violence par les média » ; écueil qui revient finalement à en empêcher la visibilité réelle, à en bannir la réalité et la gravité.
Marguerite Pilven, pour Lisa Sartorio