Ce lit de verdure n’inspire pas l’abandon mais l’attente. Surplombant  un échangeur immense, cerclé de tours, il est une butée végétale contre  laquelle l’axe historique de l’ouest parisien s’est rompu. Sur ce bout  d’autoroute retourné à l’état sauvage, les pierres ne racontent plus  rien. Elles laissent advenir l’inouï. Sensible aux interactions du  naturel et du construit, Cyrille Weiner interprète cet espace dans sa  force de destruction et de renouveau : les poussées de sève font craquer  le bitume, le sable fluide détruit des murs de soutènement, les plantes  s’agrippent aux parapets de l’autoroute. Tout communique, déborde et se  déploie sur ces infrastructures qui façonnent un paysage à la mesure de  l’homme. La friche, avec ses emmêlements de plantes, convertit le  territoire en une zone libre, ouverte à de multiples usages. Comme  rescapés de villes où triomphent le repli sur soi, la propriété privée  et l’isolement, quelques hommes reconquièrent ici leur temps, leur  énergie et leur imaginaire. Cyrille Weiner observe cette réappropriation  concrète de la friche, ces corps et mains qui bêchent, plantent,  défrichent et fabriquent le pré. Mais cette réalité première est  filtrée, transcrite en une fiction de fin du monde et de paradis perdu.  Dans la friche au dessein suspendu, les repères de temps se troublent,  ces hommes ressemblent aux premiers et aux derniers. 
Texte pour le catalogue du prix Lucien Hervé 2012. Cyrille Weiner, "La fabrique du pré".
			
			
		Texte pour le catalogue du prix Lucien Hervé 2012. Cyrille Weiner, "La fabrique du pré".

			
		
