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  • Giselle à l'Opéra Garnier
    Thème : Photographie
  • Que reste t'il ?

    Il y a 7 ans

    / BLOG JOURNAL VOYAGES MOIRS EXORCILS ET POEMSONGS PORTRAITS HORSLADORS / poèmsongs

    Depuis le lit dans la chambre je ne ressens plus rien je regarde à travers la fenêtre ouverte je regarde au loin au loin dans l'azur au-dessus des gratte-ciels au loin dans l'altitude de l'éternité au-delà des zéniths au-delà des hôtels au loin dans les sommets depuis mon sommier au loin dans les jardins inversés des cieux immortels le cercle parfait de la lune sournoise apparaît j'écoute mon coeur peu à peu s'arrêter de battre que reste t-il de la caresse de tes doigts que reste t-il de l'odeur de ta peau que reste t-il de l'emprise de tes bras que reste t-il de notre chaos que reste t-il du froissement de nos draps que reste t-il de la sueur qui a séché entre tes cuisses que reste t-il de la flamme qui prit vie dans nos batailles que reste t-il de nos insolences que reste t-il de notre désir sauvage et futile que reste t-il de nos vaillances que reste t-il de nos vexations que reste t-il de nos espoirs de réconciliation que reste t-il de nos silences que reste t-il de nos orages intérieurs que reste t-il de nos incohérences que reste t-il de ton haleine un peu saoûle que reste t-il de nos corps essouflés que reste t-il de nos soupirs que reste t-il de notre impatience que reste t-il de nos confidences que reste t-il de nos turpitudes que reste t-il de nos avanies que reste t-il de nos rêves que reste t-il de nos frustrations que reste t-il de ton regard que reste t-il de mon oubli que reste t-il de nos pardons difficiles que reste t-il de tes intitiatives farouches que reste t-il de nos complicités que reste t-il de nos concessions que reste t-il de nos défaillances que reste t-il de nos tourbillons que reste t-il de la douceur de nos rires que reste t-il de nos délires doux que reste t-il de notre abandon que reste t-il de mes cris de tes souffles que reste t-il de nos litanies que reste t-il de nos discours saillants que reste t-il de nos souvenirs que reste t-il de notre désordre que reste t-il de notre désir la nuit noire est tombée que reste t-il de la cadence des vols des colombes dans le bleu du ciel

    Aurore Laloy, exorcil écrit le 16 avril 2016, peu après un séjour à l'hôpital.
    Pour Adrien Kanter.
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    "Peut-on mourir d'avoir trop aimé ? Peut-on aimer une chose dès lors qu'on la possède ? Peut-on posséder l'émotion ?" Dramus(cul)e, Aurore Laloy

    la revue GALANTE <3 N°7 sur les fesses qu'elle est bonne, qu'elle est bien, à te procurer pour 5 euros > auprès de Marilou Lou, Zoé Zoo, Charlotte Herzog, de moi en MP ou sur http://galantefanzine.bigcartel.com
    La revue GALANTE N°7 sur les fesses est sortie, bien ferme, bien arrondie, à se procurer pour 5 euros sur http://galantefanzine.bigcartel.com

    Parler de cul est grossièrement assez récurrent chez Galante. Mais dans le Galante #07, on vous parle du cul. Des fesses. Des vôtres, des nôtres et des leurs. De leur face cachée, de la fessée qui fâche, des préjugés qui lassent. Un "dramus(cul)e d'Aurore Laloy et un entretien avec Jackie Stallone parmi d'autres textes et articles qui font le charme de cette revue culottée.

    "Heureusement qu'il y a les folles de la messe" Rabelais
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    « LE GÉNÉRATEUR, 10 ANS D’ART ET DE PERFORMANCES »
    Textes de Marina Abramovic, Bernard Bousquet, Anne Dreyfus, François Durif, Aurore Laloy, David Liver, David Noir, Alberto Sorbelli, Nadia Vadori-Gauthier, Charles Pennequin, Fréderic Lecomte, Marion Estimbre, Eléonore Marie Espargilière. Edité par Eléonore Marie Espargilière et Anne Dreyfus. Conception graphique : Birgit Brendgen. édition bilingue (français / anglais). 19 x 25 cm. 436 pages. Publié par Le Générateur. 2016. Diffusion Les Presses du Réel. 32 €.
    Je suis fière de vous annoncer la parution d'un de mes textes dans le catalogue du Générateur, superbe livre revenant sur une décennie de performances en 436 pages de photos, splendides, et dix textes d'artistes dont ceux de Marina Abramovic, Alberto Sorbelli, Anne Dreyfus, David Liver, ou donc le mien. Si vous souhaitez vous procurer l'ouvrage > http://legenerateur.com/publications/
    « LE GÉNÉRATEUR, 10 ANS D’ART ET DE PERFORMANCES »

    Textes de Marina Abramovic, Bernard Bousquet, Anne Dreyfus, François Durif, Aurore Laloy, David Liver, David Noir, Alberto Sorbelli, Nadia Vadori-Gauthier, Charles Pennequin, Fréderic Lecomte, Marion Estimbre, Eléonore Marie Espargilière. Edité par Eléonore Marie Espargilière et Anne Dreyfus. Conception graphique : Birgit Brendgen. édition bilingue (français / anglais). 19 x 25 cm. 436 pages. Publié par Le Générateur. 2016. Diffusion Les Presses du Réel. 32 €. 

    Ci-dessous, mon texte :
    Mort à la performance !

    Je ne comprends rien à la performance. Et pourtant je ne peux plus m'en passer. Je ne vis, pense, rêve, bouge, transpire que par la performance. Comme un chewing-gum qui me colle à la semelle. Une ombre sur l'asphalte. Un doppelgänger. Quand je vois celles des autres, je mets cinq jours à m'en remettre. S'il s'agit des miennes, parfois cinq semaines. Après avoir perdu l'usage de ma voix pendant deux mois suite à une performance [1] particulièrement chargée émotionnellement, une amie a cru me rassurer en me disant que "les initiations étaient rarement des parties de plaisir." Je ne suis pas rassurée. J'assiste à ma propre vie comme à une performance qui ne s'arrête jamais. Comme tenter de faire partir quelqu'un en tenant la même note aigüe jusqu'à briser tous les verres de la cuisine, et échouer. Une initiation sans fin. Insoutenable. Mais surtout, je ne peux pas m'empêcher de compulser toutes les performances de ma vie dans des carnets [2] que je remplis en quelques jours. Parfois en quelques heures. Ma pratique graphomane m'a fait progressivement perdre tous mes amis. Certains ont commencé par refuser d'aller au cinéma avec moi au prétexte qu'il est perturbant d'être assis à côté d'une vie qui écrit dans le noir, en parallèle de l'histoire qui se déroule à l'écran. D'autres ne veulent plus monter en voiture quand je conduis parce qu'il m'arrive de prendre quelques petites notes au volant. Je me rends bien compte que la performance est une déstabilisation et une mise en danger de sa propre vie autant que de celle des autres. Pourtant, je continue. Et pire encore. Quand un carnet est totalement griffonné, j'en entame généralement la lecture à voix haute [3]. Là, honnêtement, le problème n'est plus d'avoir perdu ses amis, mais de se faire des ennemis. Quand tous m'ont tourné le dos, je ne peux plus faire autrement que de consulter un public. Je me sers de lui comme d'un oracle qui me livre des prophéties. J'appelle ça la performancie. Une fois [4], j'ai enfermé un public pour qu'il m'écrive mon texte. Une autre fois [5], hésitant à prévenir l'homme dont je croyais être enceinte par lettre ou par téléphone, j'ai interrogé le public à son insu en lui laissant le choix entre me regarder dire un texte sans pouvoir l'entendre ou écouter ma voix qui sortait d'une enceinte. Ironie du sort : l'enceinte n'a pas marché. CQFD. Cher public, sachez que cette fois [6] dans cette corrida-textuelle, je vous consulte comme on cite un taureau dans l'arène afin de vous demander d'achever la performance ou bien c'est elle qui m'achèvera. Vous avez donc le choix de lire ou non ce texte jusqu'au bout : le sort de ma part maudite est entre vos mains. 3. 2. 1. Mort à la performance ! Non ? Vous êtes toujours là ? Echec.   

    Paris, le jeudi 9 juin 2016. Aurore Laloy.   

    [1] Duo Erose / Aurore Laloy (texte / voix) et Mamoto / Constantin Leu (objets), 24h de la performance. Le Générateur, FRASQ 2015. La disparition de la voix, sujet de résidence d'écriture 2016, Anis Gras. http://loligo.tm.fr  [2] Extraits de mes Moirs à consulter : www.lepiphyte.com  [3] J'anime une émission de radio dédiée à la poésie et à la performance : Hôtel Paradoxe sur Radio Libertaire 89.4fm. www.hotelparadoxe.net  [4]Bunker Paradis, pièce radiophonique / spectacle vivant pour quinze musiciens, quinze acteurs, et un public. Retransmise en direct à la radio depuis Le Générateur, FRASQ 2012.  [5] L come L'amore, hommage à Anna Magnani, Aurore Laloy (texte / voix), Adrien Kanter (machines analogiques), David Liver (action), FRASQ à la Galerie Nivet-Carzon 2014.  [6] Performance - corrida, publication au catalogue des 10 ans du Générateur.
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    Deux publications internet en mars 2018
    au label L O L I G O  
    www.loligo.tm.fr/collections/loligo-collection-aurorelaloy.html

    - Traversée d'Ouest en Est, poèmes après avoir perdu puis retrouvé la voix. Automne 2017
    - Moirs, projet d'écriture recueillant les traces, restituant les persistances, interrogeant ce qui reste, le gisant en soi. 2014 - 2016

    Rencontre avec les artistes Sofi Hémon Aurore Laloy Inna Maaimura Ollivier Coupille André Avril Emmanuelle Bouyer Nicolas Vatimbella Pierre Hémon Dulce Trejo Maxime Deckers pour découvrir écouter et voir les parutions L O L I G O  2017 & Fête de disparition du blog LEPIPHYTE [http://www.lepiphyte.com] le 12.10.17 à 19h30 dans l'atelier 2 à Anis Gras, le lieu de l'autre à Arcueil
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  • Publication dans Libération photos, 17 mai 2016
    Libé photo : Six images, ou plutôt sept, et quelques phrases pour relier les photographies les plus récentes de la série "Le ciel commence ici" exposées il y a peu à la Galerie Les filles du calvaire, avec les photos, Polas et dessins visibles au Leica Store Paris, exposition qui court toujours!

    http://www.liberation.fr/photographie,99965
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    Thème : Photographie
  • Série Solo, et film de Sandra Städeli : Entre terre et ciel

    Il y a 7 ans

    / Photographies / Solo / Présentation

    Les séries Solo et Black Screen marquent une rupture avec mes premiers travaux, la fin du Polaroid SX70 en 2008  et la transition vers la photographie numérique.
    Cependant ces deux séries sont en de nombreux points le prolongement de ce qui les a précédées.
    Dans Solo, on retrouve les ciels très sombres présents depuis Paysages (1992), et les acteurs et les objets lancés mystérieux de Une fois et pas plus en 2002 et de Longue distance en 2007.
    Mais par rapport à ces deux précédentes séries les objets ont changé : ce sont des pneus, des balles, des ballons et de grandes baguettes et non plus des objets souples qui changeaient de forme au gré des lancers. Ces objets suggèrent des espaces de jeux aux règles mystérieuses.

    A voir :

    Entre Terre et ciel, film de Sandra Städeli, production Amart films, image Thomas Roussillon, 2014
    https://www.youtube.com/watch?v=zsvfVwV9JDU

    Ce film de 6 minutes suit la réalisation de quelques photographies de la série Solo. Prise de vue, entretien, carnets de travail, font partager ma manière de travailler .
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    Thème : Photographie
  • La Tisserande des nuits – photographies 1
    Valérie Belin, Hannah Collins, Stéphane Couturier, Alicja Dobrucka, Hans Haacke, Corinne Mercadier, Nicholas Nixon, Anne et Patrick Poirier, Patrick Tosani
    Commissariat : Antonio Guzmán
    exposition du vendredi 13 mai au samedi 11 juin 2016

    Exposition issue des travaux du séminaire La Tisserande des nuits, en suivant les fils et les plis (Ensa, années universitaires 2013/2016)

    la box _bourges
    École nationale supérieure d’art de Bourges
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    Thème : Photographie
  • Dominique Baqué, Corinne Mercadier, 2016. Texte écrit pour les expositions "Le ciel commence ici", galerie Les filles du calvaire, et "Images rêvées", Espace photographique Leica

    Le ciel commence ici, une réponse à Où commence le ciel?
    La nouvelle série que présente Mercadier s ‘intitule Le ciel commence ici . Comme une réponse à sa série Où commence le ciel? (1995-1996), cette question posée il y a vingt ans déjà, à quelque seize personnes. Pour autant, avec ce titre - clin d’oeil, les photographies de “Le ciel commence ici” n’apportent aucune « réponse » dogmatique. Car il ne s'agit pas de détenir, enfin, la vérité absolue. Et ce serait sans compter avec la malice de l’artiste qui aime trop les jeux de pistes et les énigmes pour trancher et conclure. Derrière l’apparente naïveté de la question, l’artiste se demandait pourtant déjà, de façon essentielle – et propre au medium photographique – comment, munie de son Leica et de son Polaroid, et tout en questionnant son rapport au dessin, pratiqué depuis toujours, percevoir le monde, et comment, aussi, bouger pour le découvrir. Car Où commence le ciel? – après la première série des Paysages (1992-94) – est aussi une histoire de mobilité. Une « histoire d’ailleurs”, chaque image abordant l’idée du “point de vue”, par l’effet combiné de contre-plongées, de basculements et de troubles perceptifs, d’obstacles visuels à dépasser pour toujours voir davantage, encore plus loin, et de jeux par rapport à ce qu’on croit voir…

    Lieux de prises de vue
    Pour rappel, Paysages peut être considéré comme le premier corpus photographique de Mercadier. Ce moment, à la fois fragile et décisif, où tout bascule, où un individu se sent advenir photographe.
    Pour l’artiste, ce fut le cas à partir d’un territoire singulier, celui de son enfance, près de Narbonne – elle qui se définit volontiers comme une fille du Sud.
    Ce lieu, le sien, lui fait ressentir, plus qu’ailleurs peut-être, le sentiment de l’immensité devant un paysage. C’est un lieu où le vent est roi et modèle les formes, les arbres, les eaux. L’étang devant la maison familiale.
    Force des éléments, puissance de la lumière, magie de l’eau: tels sont les souvenirs originels qui vont fonder la pratique photographique de Mercadier, parallèlement, on l’a dit, à une pratique continue et essentielle du dessin. On y reviendra…
    Un paysage “physique”, des salines, des garrigues rases, la végétation d’un sol pauvre et calcaire: tout est déjà là, en germe.
    Et déjà, aussi, les objets présents dans cette série ont quelque chose de commun avec les vestiges d’une architecture – mais modeste: tels un ponton, un bateau camouflé pour la chasse, des bidons/flotteurs que la faible définition du Polaroid, et plus encore son agrandissement, tend à sublimer en leur conférant une dimension picturale.
    De fait, le Polaroid fut une veritable révélation pour l’artiste, apportant simultanément un grain de matière picturale, et une sorte de “faille” dans le rapport au réel. Contrairement aux appareils photographiques traditionnels, il ouvre à ses yeux la voie à un surcroît de poésie.
    Si les Paysages sont fortement marqués par les horizons et les grands espaces, Une fois et pas plus ( 2000-02) – qui succèdera aux Glasstypes ( 1997-99) – transformera a contrario les lieux en décors de scène, ne donnant à voir que des espaces clos, dont la théâtralisation sera accentuée par des ciels sombres, opaques, dramatisés par la double prise de vue.
    En écho aux Paysages, et en anticipation de la série Solo (2012), La Suite d’Arles, réalisée en 2003 sur les toitures remarquables de la ville d’Arles, annonce les architectures en hauteur de Le ciel commence ici.
    C’est le cas à Deauville, sur les toits des Bains pompéiens, datés des années vingt, et de la piscine olympique des années soixante – à l’Observatoire de Paris – au Château de St Germain-en-Laye – sur quelques toits parisiens autour de l’Opéra – à la Lanterne de Chambord, enfin.
    Architecture et hauteur Dès lors, un élément décisif intervient, qui n’est certes pas la réponse, mais qui définit un point de vue: géographique, interprétatif. Existentiel, aussi. Il s’agit de la position en hauteur, sans cesse poursuivie depuis l’expérience arlésienne: et Mercadier d’évoquer la fascination, à la fois poétique, jubilatoire et enfantine qu’elle éprouve à se trouver là-haut …. Là-haut, on ressent l’intime et immense privilège de pouvoir construire une vision différente sur le monde. Se trouver au sommet des toits, des architectures humaines, c’est habiter – certes provisoirement, mais aussi précieusement – un entre-deux dont la sonorité même est très singulière, comme feutrée. Proche des lointains… Au plus près des nuages. Ces nuages qui, eux aussi, fascinaient déjà Baudelaire, et tous les rêveurs du monde. Le motif du ciel dans l’oeuvre de Mercadier Là-haut, les nuages, le ciel… De fait, le ciel revêt une part déterminante dans le travail de la photographe: des constellations, de l’organisation symbolique des inquiétants espaces intersidéraux, elle dit volontiers que ce sont des sujets de rêverie qui nourrissent ses photographies et ses dessins depuis longtemps… Il se joue ici une poétique de la rêverie que l’on pourrait qualifier de bachelardienne: car pour Mercadier, l’air n’est pas le rien, ni l’invisible, ni l’inexistant. Tout au contraire: l’air est une texture qui s’adapte à toutes les formes en positif, et le ciel est doté de matérialité. Chaleureux, il nous contient, nous les hommes, nous ses créatures.
    Les objets lancés Dans le monde de Mercadier, des objets sont lancés, des sphères traversent l’espace, des figures géométriques tatouent le sol, tandis que des danseurs bougent, immobiles. Hiératiques et fluides. Dans les objets suspendus en l’air comme dans ceux qui volent en pleine vitesse, se croisent l’instant et la durée: ainsi se joue l’essence même de l’acte photographique.
    Mais qu’en est-il de ces objets lancés depuis un énigmatique hors-champ? Leur origine est à rechercher du côté des Glasstypes, soit des plaques de verre minutieusement peintes, puis photographiées dans l’atelier, de façon à créer une aura lumineuse autour des formes, et une illusion de volume.
    Pour la première fois, l’artiste isole des formes par rapport au décor, qui n’est plus que couleur: le regard qui cadre permet de rêver, et les objets semblent flotter dans l’espace, sans attache aucune: chaise, chiffon, chemise, marquetterie, cristal…
    De cette illusion du volume, Mercadier passera ensuite à des objets tridimensionnels, qu’elle confectionne elle-même.
    Ils ont d’abord été de texture souple: tissus, fibres de verre ou de carbone pour armature, objets souples proches du corps, et, déjà, formes géométriques, tels que carrés et trapèzes. La transparence les désincarnait dans l’espace, troublait leur identification, le lancer et le mouvement les rendaient informes – du fait de leur texture molle - et le hasard jouait un grand rôle. Après l’arrêt du Polaroid SX70, l’accent a été mis sur la géométrie, et l’objet, durci , n’a plus été modifié par le lancer ni par le vol. Ainsi, avec Le ciel commence ici, les objets sont parfaitement nets et identifiables: pour l’essentiel, il s’agit de ballons blancs et noirs – de livres en papier kraft, peints avec un fond sinopia rouge et or – d’anneaux en carton noir/doré double face – d’un icosaèdre de Dürer en ruban armaturé blanc – de balles en polystyrène ou mousse qui évoquent les constellations – de grands rubans armaturés en toile de spi et carbone – et enfin d’une étonnante coiffe de tissu lamé or, découpé en lanières cousues sur un bonnet, qui enveloppent le corps de la danseuse et flottent au gré du vent…Toutes ces précisions ont un sens: elles disent le savoir-faire de l’artiste qui fait partie intégrante de son œuvre, mais aussi la dimension de bricolage qui se voit ensuite sublimée en formes pures, parfaites, par la mise à distance lors de la prise de vue, puis le travail effectué sur l’image encore indéterminée qui, décidément, ressemble fort au délicat tracé du pinceau sur la toile…En ce sens, il serait erroné d’opposer le mystère des Polaroids à la netteté géométrisée des objets présents dans les récents travaux de Mercadier: certes, arguera-t-on, quoi de plus évident, de plus commun, qu’un ballon ou qu’un trapèze ? Et cependant l’énigme demeure: elle n’est pas élucidée pour autant . Ne serait-ce pas trop simple? Ainsi le mystère persiste dans ces lancers de balles qui évoquent les constellations infinies, ces rubans à tours et détours qui ne sont pas sans lien avec les anneaux de Moebius, ou cet icosaèdre qui, bien sûr, connote Dürer…

    Méthode de travail : carnets et repérages, construction des « scènes »
    A travers les repérages – absolument essentiels au travail de Mercadier – lieux, personnages et objets prennent place, s’agencent. S’alignent, comme dans un télescope. La photographie sera là, existera, et sera gardée, élue, précisément quand sujets, objets, actions et décors permettront à l’ensemble des éléments de se synthétiser en une seule image, absolument nécessaire, comparable à nulle autre – tel l’alignement des planètes. Car le vocable qui revient souvent chez Mercadier est bien celui, filmique, de scènes: il s’agit de construire des scènes qui articulent des architectures, des danseurs et des objets.Non pas une pièce de théâtre, ni une chorégraphie, ni un film à proprement parler: la continuité temporelle ne convient pas à la photographe. Non, ce qu’elle tente de faire, c’est d’ essayer de s’approcher à plusieurs d’un lieu inexploré . Ou encore, en d’autres termes: Concentrer les efforts de perception pour capter une image que ce lieu pourrait renvoyer . Non pas une vision du monde, une trop emphatique Weltanschaung, mais plus exactement une forme d’ autoportrait de la pensée. Ou, pour le formuler autrement: l’artiste s’attache à définir quelque chose comme un champ magnétique.

    Les carnets et les dessins
    Mercadier vit en permanence dans un monde de textes et d’images qui est le sien propre, où l’on ne s’étonnera guère de rencontrer des artistes immenses tels que Dürer, Poe, Spilliaert, mais aussi le cinéaste Kubrick, mais encore le plus discret romancier Adolfo Bioy Casares, auteur de L’Invention de Morel. Chaque jour, elle couche sur l’épais papier d’innombrables cahiers – à la lisière du livre d’artiste – des réflexions de toutes sortes avec sa belle écriture penchée: projets, interrogations, citations, poèmes, canevas de scènes à venir, mêlés à de petites photographies, reproductions de tableaux, de scènes de films, de visages, d’attitudes, de gestes qui, sans doute, l’ont touchée, émue, interrogée, et de dessins, encore et toujours. La mosaïque d’un monde intérieur qui s’extériorise ainsi dans des écritures et des figures. Pour autant, il serait erroné de croire que la “méthode” de Mercadier – certes rigoureuse – se veut d’une rigidité sans faille. En témoignent, à l’opposé si l’on peut dire, la série de dessins intitulée Black Screen Drawings (2008-14), qui rompent justement avec toute méthodologie et ouvrent l’espace d’une rêverie à partir de fonds d’encre, sans contrainte aucune ni objectif prédéterminé.
    L’artiste est ici tout autant photographe que peintre et dessinatrice: elle dit avoir besoin du crayon, de l’encre, du dessin, de quelque chose qui se construit peu à peu – à la différence de l’immédiateté de la photographie.
    Aussi se laisse-t-elle aller au plaisir des traces, des coulures et des couleurs, et fait-elle d’une tache informe une forêt, un avion dans les lointains, un nuage qui pleut…
    Et ces zones mentales, spirituelles, agrandissent son territoire photographique, sans coupure ni césure. Bien au contraire: tout se lie, s’entrelace, se fait écho, alimentant, tels des vases communicants, la série Solo ou encore Le ciel commence ici.

    Mise en scène et hasard
    On l’a dit, les photographies de Mercadier, depuis Une fois et pas plus, sont toutes, rigoureusement, des mises en scène. Mais elles laissent parfois une place à l’improvisation, au ”je-ne-sais-quoi” ou au “presque-rien” - si chers à Vladimir Jankélévitch - qui pourraient, ou non, advenir. Le hasard en est partenaire. La rigueur – dont seuls les sots croient qu’elle est l’antonyme de la poésie – y est certes le maître mot, mais elle sait aussi, très subtilement, dialoguer avec le hasard. Paradoxale alchimie qui est l’une des dimensions esentielles de l’oeuvre de Mercadier.

    Direction d’acteurs
    Quant aux modèles qui traversent l’oeuvre récente de Mercadier, et plus encore Le ciel commence ici, si l’on excepte une jeune femme à la splendide chevelure rousse, telle une flamme ardente, qui a simplement aimé être dans l’image, ce sont tous des danseurs professionnels. Autre paradoxe: même immobiles, ils dansent. Et ils savent répondre à des injonctions aussi paradoxales pour un sujet ordinaire que : Mouvement immobile ….Directrice de la scène, Mercadier leur demande d’incarner un paratonnerre, ou encore d’être le point magnétique de l’action, tout autant dans le mouvement que dans l’immobilité. Dès lors, deux temporalités se croisent: celle du corps des danseurs, régie par l’artiste ; et celle des objets, soumise à l’inverse au hasard des lanceurs, des vents, des modifications de la lumière, etc. Et parfois, au cœur de ces deux temporalités, quelque chose comme un coup de foudre – au sens électrique du terme – advient: les sujets soudain sont comme traversés, l’image le sera aussi, mais la photographe, toute à son travail, ne le sait pas encore. Seule la photographie a vu l’événement.

    Le numérique
    D’abord hostile au numérique, c’est pourtant avec ces nouvelles images que Mercadier retrouvera – paradoxe – la poésie du dessin, agissant comme un peintre sur les fichiers. Travailler les ombres et les valeurs, là où se cristallise l’essence même de ce qu’elle recherche, et qu’elle avoue ne pas connaître avant, justement, de le découvrir. C’est que Mercadier a accepté un appareil de notre époque, sans “défaut” pour notre œil – à l’exact opposé du Polaroid. Sans doute y a-t-il fallu du temps, et quelque chose de l’ordre de l’apprivoisement.
    C’est aussi qu’il serait sans doute illusoire de “scinder” l’oeuvre en deux pratiques absolument distinctes et irréconciliables: d’un côté, le Polaroid; de l’autre, le numérique. Il est evident, en effet, que les deux pratiques se complètent et se dialectisent sans cesse.
    Et l’oeuvre, à n’en pas douter, est bien “une”.
    Pour reprendre une expression de Deleuze, Photoshop est ainsi devenu pour l’artiste une boîte à outils - trouver, donc, les outils pertinents, efficaces, ajustés à sa poétique.
    Il reste alors à Corinne Mercadier à retourner dans l’antre intime et obscur de son bureau/atelier, et, tel l’alchimiste, à transmuter le plomb en or. Ou encore: tel le peintre renaissant, tel Giotto à qui elle voue une admiration éperdue, il lui revient de faire monter sur son écran, solitaire, concentrée, seule dans son monde d’images, de textes et de rêves - le parfait alignement des planètes et des constellations à partir de simples lancers de ballons et de baguettes, les silhouettes hiératiques des danseurs et danseuses advenues dieux et déesses, et enfin ces sombres ciels avec lesquels, l’espace d’un moment, elle a pu dialoguer avec les mots natifs d’une langue inconnue.

    Dominique Baqué.
    Suite
    Thème : Photographie
  • Devant Verdun

    Il y a 8 ans

    / Actus

    Devant Verdun
    Sortie du livre Devant Verdun de Jacques Grison !

    Avec les contributions de Marc Avelot, François Barré, Francine Deroudille, Airy Durup de Baleine, Arno Gisinger, Bruno Guiganti, Henri-Pierre Jeudy, Régis Latouche et René Major

    Editions Trans Photographic Press, 2016
    Suite