Jacques Grison

Jacques Grison

Photographe

grison.metaproject.net

Jacques Grison est un photographe spécialiste du domaine de la santé. Il crée en 1985 l’Agence photographique d’illustration santé Goivaux qui deviendra, en 1992, le département santé de l’agence Rapho. Il s’oriente vers la photographie reportage humaniste et réalise de nombreuses séries notamment pour le Ministère de la Culture dans le cadre de jeunesse en France en 2001 exposée à Visa pour l’image. Une rétrospective de dix ans de photographie sur le handicap « La vie malgré tout » sera exposée à la galerie Fiat et Cause à Paris la même année. En 2010 l’association le rire médecin lui confie le projet phare de son vingtième anniversaire, Le livre « Nez rouges, blouses blanches » est édité aux Impressions nouvelles fin 2011 et la Mairie de Paris accueille une grande exposition intitulée « Nez rouge toi- même ! » début 2012. Trente années de pratique photographique donc, passant de l’imagerie technique et scientifique au reportage à caractère social, de l’exploration sans fin des territoires de la mémoire aux témoignages multiples sur la vie des hommes.

Mineurs, les derniers seigneurs du charbon

Il y a 13 ans

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Mineurs, les derniers seigneurs du charbon
Nous n’irons plus à la mine… Les derniers mineurs de charbon en France

J’ai passé trois ans de ma vie sous terre, avec les gueules noires de Moselle-est, jusque dans l’une des exploitations les plus profondes d’Europe, dans les puits Vouters à Merlebach et de La Houve à Creutzwald, les deux dernières tailles de charbon françaises en activité. Jamais, jusque-là un étranger à la mine n’avait eu le privilège de partager la vie quotidienne de ses Seigneurs. Lampiste, about, traceur, boute-feu, ripeur, électro., haveur ou porion,…, ils m’ont permis d’être là, parmi eux, où l’on creuse, où l’on boise, où l’on roche, où l’on rabenasse, où l’on mange, où l’on chante, où l’on meurt parfois. J’ai vécu avec eux par 900 et 1250 m de fond dans ces deux immenses chantiers mobiles, là où, dans chaque taille, plus de 2500 tonnes de matériel rampant permettent d’extraire jusqu’à 10 000 tonnes de houille par 24 heures.
Dès la cordée de 5h50, quand on quitte la nuit pour une autre nuit, plus profonde encore, et jusqu’à l’heure où l’on se dit « à demain », d’une poignée de main solide et protectrice, pour voler quelques heures de sommeil aux ténèbres, omniprésentes et familières, à force.
Aujourd’hui, il n’y a plus de mineurs de charbon en France, il n’y aura plus, non plus, de mine industrielle sous terre si l’on excepte les quelques ardoisières encore en exploitation près d’Angers. C’est tout un monde qui s’évanouit : un monde fort, héroïque, chargé de drames, et dans lequel la littérature et le cinéma ont largement puisé, au risque d’avoir gravé dans l’esprit du public une image désuète et caricaturale de cet univers consacré à la substance noire pour et par laquelle nombre de régions françaises, à commencer par l’est de la Lorraine, ont vécu pendant plus d’un siècle.
C’est à cet univers, qu’on vient d’enterrer avec la dernière haveuse, que j’ai voulu rendre hommage à travers ce témoignage. C’est pour ces hommes désormais en deuil que j’ai voulu vivre la mine, au jour le jour…mais c’est à moi qu’ils ont offert le plus précieux des cadeaux en m’ouvrant grands leurs bras et leur cœur, et en permettant de garder, au jour, un peu de leur vie. La vie de ceux qui ont éteint leur lampe sur une partie importante de notre histoire.
Quelques photographies qui m’autoriseront peut-être à leur dire à mon tour Glück auf*.

Jacques Grison

* ∼ …à la joie de nous retrouver au jour  !
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