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Timothée Rolin

Timothée Rolin

Artiste conceptuel

www.timotheerolin.net

Créateur du site Internet ADaM-Project (2002), Timothée Rolin axe son travail artistique sur l'archivage de nos vies par les bases de données informatiques. Il s'est notamment contraint durant dix ans à prendre en photo quotidiennement ses moindres faits et gestes puis à les indexer dans une base de données en ligne.
  • Photos

    Il y a 11 ans

    • 1 - Nous partons
      Nous partons
    • 2 - Estée joue du piano
      Estée joue du piano
    • 3 - Le chien de Christopher
      Le chien de Christopher
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    Tous les faits et gestes de Timothée Rolin jour après jour entre 2002 et 2012. (Base de données en constitution).

  • N°3 - du 1er janvier au 30 juin 2003

    Il y a 11 ans

    / Vidéos

  • Web-designer de métier, Timothée Rolin fut invité à Rome en février 2009 pour co-réaliser le nouveau site internet de la Villa Medicis avec Olivier Riquet. Logé à la villa, il a entrepris, parallèlement à sa mission officielle, de s’accueillir clandestinement en résidence dans le but de produire l’œuvre dont il est question ici. Le travail de Timothée Rolin étant essentiellement biographique, Résidence Clandestine s’attachera donc à rendre compte des deux semaines passées à Rome à travailler sur le nouveau site de la Villa Medicis.

  • Résidence Clandestine

    http://www.residenceclandestine.net

    Projet artistique de Timothée Rolin pour l'exposition La Force de l'Art 2 au Grand Palais à Paris. Tentative d'épuisement d'un espace-temps.

  • N°2 - du 1er juillet au 31 décembre 2002

    Il y a 14 ans

    / Vidéos

  • N°1 - du 1er janvier au 30 juin 2002

    Il y a 14 ans

    / Vidéos

  • N°9 - du 1er janvier au 30 juin 2006

    Il y a 14 ans

    / Vidéos

  • N°10 - du 1er juillet au 31 décembre 2006

    Il y a 14 ans

    / Vidéos

  • Timothée Rolin, la transparence numérique comme démarche artistique
    Depuis huit ans, Timothée Rolin fait des photos. Beaucoup de photos. Plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines par jour.  Depuis 2001, cet artiste photographie, selon un dispositif précis : son expression au lever, la vue de l'endroit où il a dormi, tout ce qu'il mange, tout ce qu'il écrit, tout ce qu'il tape sur un clavier, tous les lieux qu'il visite, tous les êtres humains et les objets avec qui il entre en interaction, tout événement - habituel comme inhabituel. Autant de clichés qui constituent une écriture, un témoignage de son existence. Une «base de données personnelle», qu'il alimente chaque jour et qui sert de matière première à son travail artistique.

    Au départ, raconte Timothée, le projet était différent. «J'ai eu l'idée de travailler sur un portrait d'une personne imaginaire à partir d'une base de données en ligne. Influencé par les jeux vidéos, je voulais proposer une fiction lisible sur un mode non linéaire. Ma première idée était de faire le portrait d'une amie à partir de l'ensemble de ses objets personnels. Je l'ai commencé, mais jamais abouti. En revanche, pour réaliser ce projet, j'ai acheté un appareil numérique, qui m'a rapidement servi à archiver mon propre quotidien dans un souci de mémoire».

    La mémoire et les données sont au centre des questions que se pose Timothée Rolin. «Je voulais faire une sorte de Google personnel, un moteur de recherche sur ma vie, pour pouvoir tout me rappeler, avoir une vision statistique de mon existence», explique-t-il.  Une vision de sa vie, mais aussi de celle des autres. Timothée a proposé rapidement à des tiers de reprendre son dispositif et de se prendre en photo, le temps d'une journée. C'est le projet Adam, qui démarre début 2002. «Rapidement, la démarche a conquis un petit microcosme parisien sur le web, dans les milieux artistiques, qui s'est élargi peu à peu», raconte Timothée. Huit ans plus tard, ce ne sont pas moins de 100 personnes qui ont joué, l'espace d'une journée, le jeu d'Adam Project, générant des milliers de clichés de leur quotidien.

    Ces images aussi, Timothée les a indexées, classées en plus de 1.500 mots-clés qui permettent d'aller chercher au travers de ces vies, de ces quotidiens exposés presque cliniquement sur le site dédié au projet. Des mots-clés qui permettent des navigations thématiques et transversales. Le rouge, par exemple. Ou les rencontres.

    Pour établir son classement, Timothée Rolin a appris à coder en PHP. Et comme il voulait rester maître de son œuvre, il a bâti un CMS, un système de management de contenu, comme WordPress ou MovableType. Il en a même bâti deux : Uing, qui existe depuis quelques années, et le tout nouveau Meta. Ces plateformes lui permettent aussi de créer des sites  pour ses clients lorsqu'il enfile sa casquette de graphiste et webdesigner. Pourquoi concevoir soi-même les outils ? Car « maîtriser la technique me permet d'être autonome dans ce que je veux faire. Le numérique permet aussi d'être son propre éditeur, son propre producteur, son propre diffuseur». Bref, de contrôler la chaîne.

    Adamproject expose les vies des autres, Timotheerolin.net la vie de son auteur. Mais Timothée a également mis en place un autre dispositif, destiné à présenter d'une autre manière cette production quotidienne de clichés. C'est le projet Six mois, visuellement le plus intéressant : comme son nom l'indique, il s'agit de l'ensemble des photos prises durant 24 semaines, qui défilent au rythme de 24 par secondes. Trop pour que l'œil humain puisse les suivre toutes, mais suffisamment pour qu'il s'arrête sur certaines, le temps qu'elles s'impriment dans la rétine.

    L'idée centrale de l'œuvre que bâtit Timothée Rolin, c'est celle de la base de données, de l'information numérique comme un fleuve qui nous englobe et nous dépasse. «Mon travail cherche à rendre tangible une réalité encore à peine palpable : celle de la mise en transparence de nos vies. Depuis longtemps déjà, la plupart de nos faits et gestes sont enregistrés dans des base de données, je ne fais que matérialiser cette réalité de façon ludique et artistique», précise-t-il.

    Cette expérimentation, Timothée la poursuit au quotidien depuis bien avant que les réseaux sociaux ne posent à chacun de nous la question des données personnelles, de ce qu'on donne à voir de soi sur le web. Lui a choisi, depuis 2001, la démarche de tout donner, ou presque. Comme Sophie Calle, Chloé Delaume ou d'autres artistes, il a fait de son quotidien, de ses relations, le matériau de son art.

    Et la démarche elle-même impacte son quotidien. «Je cherche à me rendre transparent, mais en passant mon temps à enregistrer les traces de mon existence, évidement, celle-ci s'en trouve modifiée. C'est d'ailleurs ce qui distingue mon travail d'une pure expérience scientifique»

    Près de neuf ans après les débuts de son travail artistique, Timothée Rolin va parvenir à son but, à ce qui était à la base de son projet : faire un portrait en base de données et s'en servir pour raconter une histoire. Pas la sienne, mais celle d'un autre. Un autre fictif, puisqu'il s'agit de Rodion Romanovitch Raskolnikov, le héros de Crime et Châtiment.

    «Rodia Raskolnikov, c'est moi», s'amuse Timothée. «Le but était de créer un portait à travers un dispositif de données qui serait appliqué à la fiction. J'ai choisi Crime et Châtiment de Dostoïevski, que j'ai décomposé en scènes, comme on pourrait le faire pour un film».  Le roman se déroule sur 10 jours, Timothée Rolin a donc re-joué ces dix journées en appliquant le même protocole photographique systématique que celui qu'il suit depuis des années. Mais cette fois, il est Raskolnikov, l'étudiant ouvert et tolérant qui va planifier un meurtre de sang-froid.

    En attendant, Timothée Rolin exposera son travail à partir du 24 avril au Grand Palais, à Paris, dans le cadre de La Force de l'Art. En mars, il est parti une semaine à la Villa Médicis à Rome, pour réaliser le site web de la fondation. L'occasion pour lui d'organiser sa «résidence clandestine». Pour le Grand Palais, il projettera donc une mosaïque de neuf écrans montrant les clichés qu'il a réalisés des gens qu'il a croisé, des écrans qu'il a utilisé, de ce qu'il a mangé, de ce qu'il a bu et de ses autoportraits. Une fresque qui défile à 24 photos secondes...
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  • Interview Technikart

    Il y a 14 ans

    / Présentation

    Interview Technikart
    A quoi ça sert de se prendre en photo tout le temps comme ça ?
    En 2001, j’ai acheté un appareil photo numérique pour les besoins d'un projet artistique. Très vite, de manière presque compulsive, j'ai commencé à systématiquement prendre en photo tout ce qui m'entoure : mes objets, mes amis, les lieux dans lesquels je vais, comme pour rendre compte de tous mes faits et gestes. J'ai établi douze règles que je m'impose quotidiennement comme par exemple prendre une photo de tous les objets avec lesquels j'interagis, ou toutes les personnes que je rencontre etc. Cela représente une moyenne de 100 photos par jour. Par ailleurs, je suis Web designer et l'idée m'est venue de me constituer une mémoire artificielle on-line : numériser ma vie sous toutes ses formes (objets, photos, vidéos, papiers, correspondances, messages de répondeurs, mails, sms etc.) et puis tout commenter et indexer dans une base de données avec un puissant moteur de recherche afin de pouvoir répondre instantanément à des questions du genre : qu'ai je fait précisément le 15 mai 2002 à 15h00 ? à 18h00 ? à 22h00 ? ou combien de souvenirs ai-je en rapport avec le thème « Café », « Nature » ou « Bleu » ? ADaM est une version simplifiée et participative de ce projet. J'ai conçu ce site à l'occasion de la Copyleft Démo organisée par Antoine Moreau en janvier 2002 (http://artlibre.org/). Chacun peut s'appliquer pendant 24h les règles que j'ai fixé et les mettre en ligne sur le site. A ce jour, j'ai reçu plus d'une centaine de participations pour 64 participants et 11 300 photos.

    Pourquoi vous prenez-vous en photo chaque matin ?

    Je me prend en photo tout au long de la journée : au réveil, dans l'ascenseur, dans la rue, dans le métro, au boulot, en soirée, quand je fais l’amour etc. Je veux avoir des images de moi dans le plus de situations possible pour enrichir ma base de données. Ce qui motive la prise d’une photo, ce n’est pas tant le moment (une photo toutes les n minutes, ou chaque matin par exemple) que la situation : chaque photo doit rendre compte d’un moment clef de la journée ou de ma vie. Mon objectif est de mémoriser tous les moments clef qui articulent mon quotidien, même (et surtout) les plus banals.

    Avez vous le sentiment d'être plus célèbre qu'avant grâce à toutes ces photos de vous en ligne ?
    Pas vraiment. L’audience d’un site Internet comme ADaM est ridicule comparé à de gros systèmes médiatiques. Dans des soirées, il est arrivé qu'on m’interpelle en me disant « Je t'ai vu sur Internet ! » et en fait on me prenait pour Thierry Théolier. Ça me soulage car j’aime bien l’anonymat. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, je ne suis pas du tout exhibitionniste mais extrêmement discret et pudique. Au début ça a été très dur pour moi de mettre des photos de ma vie en ligne. Je ne l’ai fait que parce que je voulais faire des expériences artistiques et que l’on est jamais aussi bien servi que par soi même. Heureusement et paradoxalement, les gens retiennent mon nom bien plus que mon visage.

    Se photographier en permanence est-il un moyen de raconter sa vie sans ne jamais rien dire ?
    Les photos que je prends sont encyclopédiques. Elles contiennent une information que je souhaite la plus descriptive et neutre possible. Elles relatent des fais précis. De la même façon, les commentaires que j’associe aux images sont informatifs. Je ne fait jamais (ou rarement) part de mes états d’âmes ou de mon humeur. Cela laisse une grande part d’interprétation au visiteur. Celui-ci va se reconstituer un univers personnel cohérent à partir de quelques indices factuels. Le résultat de cette interprétation va forcément être très éloigné de ma réalité et c’est donc effectivement une façon de ne pas trop en dire.

    Toutes ces archives photos sur la vie de plein de gens, ça permet de suivre tout le monde à la trace. Quelle différence avec un fichier de la police ?

    La différence fondamentale est que dans ADaM les participations sont volontaires. Ensuite, l’idée est la même : récolter l'information la plus précise à propos d’un individu. J’ajouterai qu’ADaM est potentiellement beaucoup plus précis qu’un fichier de la police sur certains détails du quotidien.

    Etes vous un auteur frustré qui préfère laisser parler les images ?
    Faire une journée ADaM représente un vrai travail d’écriture. Mon parti pris, simplement, est minimal et dogmatique : être informatif et descriptif. Ce n’est pas un journal intime, mais une base de données, ce qui implique une écriture différente.

    Si vous pouviez diffuser en permanence votre image sur Internet, seriez vous plus heureux ?
    Surtout pas. Dans mon travail, il y a toujours cette idée que je contrôle mon image. Si celle-ci était diffusé en permanence (à l’aide d’une webcam par exemple) ce serait de la simple exhibition et je me sentirai surveillé, ce que je ne supporterais pas. Ce qui m’excite, et qui est la base de mon travail artistique, c’est de construire des systèmes d’archivages de la mémoire dans l’idée d’expérimenter des modes narratifs originaux. Ce qui me plait dans ADaM en tant que visiteur ce n’est pas tellement d’assouvir mon coté voyeur mais bien la navigation sémantique qui permet de passer d’un espace - temps à un autre, d’une intimité à une autre. J’aime bien citer l’exemple des ailes du désir de Wim Wenders : l’ange en passant à proximité des gens entend la pensée courante de chaque personne. C’est un peu ce qui se produit dans ADaM suite à une recherche par mot-clé.

    Pensez vous avoir démocratisé le culte de la personnalité ?
    Ce serait m’accorder beaucoup d’importance. Les gens ne m’ont pas attendu pour avoir envie de diffuser tout ou partie de leur vie sur Internet. La question est plutôt de savoir avec quels outils et sous quelle forme. Tout le monde ne sait pas fabriquer un site Internet pour partager ses images ou ses vidéo. D’ou le succès des blogs. Avec ces outils de publications vous pouvez en 3 clics, sans presque aucune connaissance technique, publier du contenu sous une forme assez basique. Le défaut majeur, mais qui est aussi la principale qualité, du blog est sa linéarité. Il est parfaitement adapté à un contenu de type « journal intime » ou « chronique » mais devient très vite limité quand vous voulez définir une structure plus complexe. Ce que j’aimerais arriver à démocratiser c’est un outil qui permette à chacun de mettre sa mémoire en ligne sous forme d’une base de données de souvenirs reliés les uns aux autres par des thèmes ou des mots clés. Un « ADaM » personnalisable et étendu à tous les types de souvenirs (plus uniquement la photo) : objets, correspondance, vidéos, sons, sms, mail, journal intime etc.
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